La Commission d’examen des pratiques commerciales,
Vu la lettre enregistrée le 3 septembre 2015 sous le numéro 15-57, par laquelle un professionnel demande à la CEPC si une prestation de service annuelle avec un échéancier de paiement en 12 fois (paiement mensuel) respecte les termes de la LME sur la réduction des délais de paiement.
Vu les articles L440-1 et D440-1 à D440-13 du code de commerce ;
Le rapporteur entendu lors de ses séances plénières des 29 octobre et 5 novembre 2015 ;
Réponse :
Résumé
S’il s’agit d’une véritable prestation de service annuelle (service continu rémunéré de manière identique qu’il soit ou non utilisé), elle peut faire l’objet de factures d’acompte mensuelles qui doivent être payées conformément aux délais de paiement de 60 jours date de facture ou 45 jours fin de mois.
Si la prestation de service correspond en réalité à une multiplicité de prestations de services effectuées chaque mois à une fréquence variable, deux modalités de facturation sont conformes à la loi :
- soit une facture est établie dès la réalisation de chaque prestation, et payée dans le délai de droit commun de 60 jours date de facture ou 45 jours fin de mois,
- soit une facture périodique est établie au plus tard à la fin du mois civil et est payée dans le délai de 45 jours date de facture.
En revanche, dans le cadre d’un abonnement annuel, la facturation mensuelle d’un montant calculé sur la base du coût estimé de l’ensemble des prestations sur l’année n’est conforme ni aux règles de facturation, ni aux règles relatives aux délais de paiement.
L’analyse varie selon que la prestation de services a véritablement un caractère annuel (par exemple, l’abonnement à un service qui est rémunéré mensuellement de la même manière, que le prestataire soit ou non sollicité) ou qu’il s’agisse d’une multiplicité de prestations de services effectuées à un rythme variable tout au long de l’année.
1/ La rémunération d’une prestation de service par abonnement annuel doit être conforme aux règles de facturation
Aux termes de l’article L 441-3 du code de commerce : « Tout achat de produits ou toute prestation de service pour une activité professionnelle doivent faire l'objet d'une facturation.
Sous réserve des deuxième et troisième alinéas du 3 du I de l’article 289 du code général des impôts, le vendeur est tenu de délivrer la facture dès la réalisation de la vente ou la prestation du service. L'acheteur doit la réclamer. (…).
Sous réserve du c du II de l’article 242 nonies A de l’annexe II au code général des impôts, dans sa version en vigueur au 26 avril 2013, la facture doit mentionner le nom des parties ainsi que leur adresse, la date de la vente ou de la prestation de service, la quantité, la dénomination précise, et le prix unitaire hors TVA des produits vendus et des services rendus ainsi que toute réduction de prix acquise à la date de la vente ou de la prestation de services et directement liée à cette opération de vente ou de prestation de services, à l'exclusion des escomptes non prévus sur la facture.
[…] »
En principe, la facture doit donc être émise dès la prestation de service.
Toutefois, les parties peuvent convenir d’un échéancier organisant le versement d’acomptes, pratique expressément autorisée par l’article 289 I c du code général des impôts. Les factures d’acompte doivent comporter les mentions obligatoires prévues à l’article L 441-3 du code de commerce.
Cette modalité est particulièrement adaptée au cas d’une prestation continue ayant un véritable caractère annuel.
Dans le cas d’une multiplicité de prestations similaires, la délivrance de la facture s’impose en principe à l’occasion de la réalisation de chaque prestation de service.
Toutefois, l’article L. 441-3 du code de commerce permet l’établissement de factures périodiques conformément au 3 du I de l’article 289 du code général des impôts (CGI), qui dispose que la facture « peut être établie de manière périodique pour plusieurs livraisons de biens ou prestations de services distinctes réalisées au profit d'un même acquéreur ou preneur pour lesquelles la taxe devient exigible au cours d'un même mois civil » et que « cette facture est établie au plus tard à la fin de ce même mois. »
2/ Le principe d’un abonnement annuel avec facturation par paiement échelonné ne permet le respect des règles relatives aux délais de paiement qu’à certaines conditions.
Plusieurs hypothèses peuvent être envisagées, selon les caractéristiques de la prestation de service, et le mode de facturation choisi par le prestataire.
2.1-La mensualisation correspond au paiement d’un acompte sur le prix de la prestation annuelle
Cette modalité est licite, pourvu que la facture portant sur l’acompte comporte les mentions obligatoires énumérées à l’article L. 441-3 du code de commerce et que les délais de paiement soient conformes au plafond de 60 jours date de facture ou 45 jours fin de mois, conformément à l’article L. 441-6 I alinéa 9 du code de commerce.
2.2-La mensualisation correspond au paiement de plusieurs prestations identifiées effectuées au cours du mois
Soit chaque prestation fait l’objet d’une facture distincte, émise dès la prestation de services, et d’un paiement dans un délai conforme au plafond légal de 60 jours date de facture ou 45 jours fin de mois.
Soit les prestations effectuées sont reprises dans une facture périodique respectant les dispositions de l’article L. 441-3 du code de commerce et de l’article 289 I 3 du CGI. Dans ce cas, le paiement doit être versé au plus tard 45 jours nets à compter de la date d’émission de la facture.
Ces deux modalités sont conformes aux dispositions légales relatives à la facturation et aux délais de paiement.
2.3-La mensualisation correspond au paiement d’un acompte sur un chiffre d’affaires annuel estimé pour des prestations effectuées au cours du mois et non pas au paiement d’un acompte sur le prix d’une prestation annuelle
Dans le cas où la mensualisation correspond au paiement d’un douzième d’un chiffre d’affaires estimé sur l’année, et non pas au paiement des prestations réellement effectuées au cours du mois, les règlements mensualisés sont alors déconnectés de la valeur de ces prestations. Cette modalité de paiement, dans le cadre d’un abonnement annuel, n’est pas conforme aux règles de facturation rappelées ci-dessus et ne permet pas de calculer le délai de paiement afférent aux prestations effectuées conformément aux dispositions de l’article L. 441-6 I alinéa 9. Cette modalité de paiement est donc aussi constitutive d’un manquement à ces dispositions.
Délibéré par la Commission d’examen des pratiques commerciales en ses séances plénières des 29 octobre et 5 novembre 2015, présidées par Madame Annick LE LOCH et adopté le 5 novembre 2015.
Fait à Paris, le 5 novembre 2015
La présidente de la Commission d’examen des pratiques commerciales
Annick LE LOCH