Avis n° 24-2 relatif à une demande d’avis d’un cabinet d’avocats portant sur la facturation de l’écocontribution au sein de la fillière des produits et matériaux de construction du secteur du bâtiment
La Commission d’examen des pratiques commerciales,
Vu la lettre enregistrée le 6 avril 2023, sous le numéro 23-8, par laquelle un cabinet d’avocats interroge la Commission sur la légalité de la pratique visant à imposer l’affichage de l’écocontribution par ligne de facturation pour les produits et les matériaux de construction du secteur du bâtiment.
Vu les articles L. 440-1 et D. 440-1 à D. 440-13 du code de commerce ;
Les rapporteurs entendus lors de sa séance plénière du 18 janvier 2024 ;
Lorsque le contrat type de l’éco-organisme le prévoit, conformément à l’article R. 543-290-3 du code de l’environnement, le producteur, premier metteur au marché, a l’obligation d’indiquer, uniquement dans ses conditions générales de vente (CGV), « que la part du coût unitaire qu’il supporte pour la gestion des déchets est répercutée à l’acheteur sans possibilité de réfaction ». A défaut de cette disposition dans le contrat type de l’éco-organisme, le producteur, premier metteur au marché, n’a pas d’obligation et reste libre de l’indiquer ou non.
Par principe, une écocontribution, n’étant pas une taxe mais un élément du prix de revient, celle-ci doit être intégrée dans le prix unitaire du produit, et ne doit donc pas figurer sur une ligne spécifique de la facture. A la discrétion du producteur, premier metteur au marché, il pourra être fait mention, de préférence en pied de facture, soit du montant de l’écocontribution, soit du fait que « la part du coût unitaire qu’il supporte pour la gestion des déchets est répercutée à l’acheteur sans possibilité de réfaction ».
Par exception, l’écocontribution des déchets d'équipements électriques et électroniques destinés aux ménages et celle de l’ameublement (jusqu’au 1er janvier 2026) doivent être indiquées sur la facture en sus du prix unitaire du produit.
1. Objet de la saisine et contexte
La Commission d’examen des pratiques commerciales a été saisie d’une demande d’avis sur l’éventuelle obligation pour les producteurs (premiers metteurs sur le marché) de produits et matériaux de construction du secteur du bâtiment (PMCB) de mentionner le montant de la contribution versée à un éco-organisme sur une ligne de facturation spécifique à la suite de l’entrée en vigueur de la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire. Le demandeur souhaite en outre savoir si le fait pour les éco-organismes d’imposer à leurs adhérents une telle obligation est légale et si l’avis de la CEPC n° 17-13 du 14 décembre 2017 relatif à la mise à jour de l’avis 09-13 venant compléter le dispositif de questions-réponses relatif à la LME : question numéro 0912904 demeure en vigueur malgré les modifications apportées par la loi n° 2020-05 précitée.
Cette loi a notamment soumis, à compter du 1er janvier 2022, la filière des produits et matériaux de construction du secteur du bâtiment à la responsabilité élargie du producteur (REP)[1]. Les articles R. 543-289 et R. 543-290 du code de l’environnement définissent respectivement les PMCB et les producteurs concernés par cette obligation.
Ces derniers se conforment à leurs obligations en la matière soit en mettant en place un système individuel, soit collectivement en transférant leurs obligations à des éco-organismes agréés auxquels ils versent une contribution financière[2].
Dans ce cadre, certains éco-organismes imposeraient des obligations en matière de facturation, en exigeant de leurs adhérents (les producteurs) que le montant de l’écocontribution apparaisse sur une ligne spécifique des factures qu’ils émettent à destination de leurs clients.
2. Analyse de la saisine
2.1. Une réglementation spécifique est applicable à la filière des produits et matériaux de construction du secteur du bâtiment
L’article R. 543-290-3 du code de l’environnement, applicable uniquement aux produits ou matériaux de construction du secteur du bâtiment, mentionne la possibilité pour l’éco-organisme de prévoir dans son contrat type que le producteur doit préciser dans ses conditions générales de vente que la part du coût unitaire qu’il supporte pour la gestion des déchets est répercutée à l’acheteur sans possibilité de réfaction.
Cette disposition, qui n’a trait qu’aux conditions générales de vente, ne donne donc pas la faculté à l’éco-organisme d’imposer au producteur adhérent de mentionner sur les factures adressées à ses clients le coût unitaire qu’il supporte pour la gestion des déchets.
Par ailleurs, il n’existe pas de dispositions spécifiques en matière de facturation du coût de gestion des déchets des produits ou matériaux de construction du secteur du bâtiment. Par conséquent, les dispositions de l’article L. 441-9 du code de commerce en matière de facturation s’appliquent.
Or, conformément à cet article, ainsi qu’au code général des impôts[3], le prix net unitaire qui figure sur la facture est hors taxes et ne doit pas comporter les taxes spécifiques afférentes à la revente. Par principe, le coût de la gestion de ces déchets n’étant pas une taxe spécifique afférente à la revente mais un des éléments du prix de revient des produits, il doit être incorporé dans le prix unitaire hors taxe du produit apparaissant sur la facture. Il en est donc ainsi de la contribution versée à l’éco-organisme.
Dans le cas où un producteur de produits ou matériaux du secteur du bâtiment ferait le choix d’informer son client que la part du coût unitaire qu’il supporte pour la gestion des déchets est répercutée à l’acheteur sans possibilité de réfaction sur sa facture, il est recommandé de mentionner ce dernier en pied de facture.
Ainsi, lorsque le contrat type établi par l’éco-organisme prévoit que le producteur doit préciser dans ses conditions générales de vente que la part du coût unitaire qu’il supporte pour la gestion des déchets est répercutée à l’acheteur sans possibilité de réfaction, en application des dispositions de l’article R. 543-290-3 du code de l’environnement, ce producteur a l’obligation d’indiquer clairement cette disposition uniquement dans ses conditions générales de vente (clauses, barème de prix unitaire ou autre). S’il le souhaite, il peut également mentionner cette disposition, pour information de ses clients, en pied des factures qu’il émet.
En revanche, en l’absence de disposition spécifique dans le contrat type de l’éco-organisme, le producteur n’a pas d’obligation d’informer que la part du coût unitaire qu’il supporte pour la gestion des déchets est répercutée à l’acheteur sans possibilité de réfaction.
2.2 Les dispositions applicables aux autres filières
2.2.1 Concernant les conditions générales de vente
Dans les autres filières à REP, à l’exception des déchets d’équipements électriques et électroniques (DEEE) ménagers et des déchets de l’ameublement (cf. infra), il n’existe pas de disposition spécifique relative aux CGV ou autres. Le producteur, premier metteur sur le marché est libre de déterminer la base sur laquelle peut porter la négociation commerciale, dès lors que l’information afférente est clairement portée à la connaissance de son client.
Si le producteur souhaite que l’assiette de réduction de prix, les commissions ou les rémunérations de prestation de service n’intègrent pas l’écocontribution, il doit le préciser clairement dans les documents précontractuels et contractuels qu’il émet ou signe et être en capacité de déterminer préalablement les montants d’écocontributions à déduire.
2.2.2 Concernant la facturation
- Sauf dispositions spécifiques, le coût de la gestion des déchets doit être incorporé dans le prix unitaire hors taxe mentionné sur la facture
Conformément à l’article L. 441-9 du code de commerce et au code général des impôts3, le prix net unitaire qui figure sur la facture est hors taxes et ne doit pas comporter les taxes spécifiques afférentes à la revente.
Par principe, le coût de la gestion des déchets n’étant pas une taxe spécifique afférente à la revente mais un des éléments du prix de revient des produits, il doit être incorporé dans le prix unitaire hors taxe du produit apparaissant sur la facture en l’absence de dispositions législatives spécifiques. Il en est donc ainsi de la contribution versée à un éco-organisme.
Des dispositions législatives spécifiques existent toutefois pour les DEEE destinés aux ménages d’une part et d’éléments d’ameublement d’autre part : le coût unitaire supporté pour la gestion des DEEE ménagers doit ainsi être indiqué sur la facture en sus du prix unitaire hors taxes du produit jusqu’au consommateur final[4] sans réfaction possible. Il en est de même jusqu’au 1er janvier 2026 pour le coût unitaire supporté pour la gestion des déchets d’éléments d’ameublement[5].
- Le coût de la gestion des déchets peut faire l’objet d’une information, de préférence en pied de facture
Hormis les dispositions spécifiques mentionnées ci-dessus, dans le cas où un producteur ferait le choix d’informer son client sur le montant du coût de la gestion des déchets, il est recommandé de mentionner ce dernier en pied de facture, afin que cette information ne crée ni ambigüité, ni confusion avec le prix net unitaire hors taxe.
3. Conclusion
S’agissant des produits ou matériaux de construction du secteur du bâtiment relevant de la filière REP, les dispositions de l’article R. 543-290-3 du code de l’environnement donnent la faculté à l’éco-organisme d’imposer au producteur adhérent (premier metteur sur le marché) la mention dans ses conditions générales de vente que la part du coût unitaire qu’il supporte pour la gestion des déchets est répercutée à l’acheteur sans possibilité de réfaction, mais en aucun cas de lui imposer cette mention dans les factures qu’il adresse à ses clients.
Dans le cas où ce producteur (premier metteur sur le marché) ferait le choix d’informer son client que la part du coût unitaire qu’il supporte pour la gestion des déchets est répercutée à l’acheteur sans possibilité de réfaction sur sa facture, il est recommandé de mentionner ce dernier en pied de facture, afin que cette information ne crée ni ambigüité, ni confusion avec le prix net unitaire hors taxe.
S’agissant des autres produits assujettis à des filières REP (hors DEEE ménagers et ameublement), les dispositions prévues par le code de commerce et le code de l’environnement ne prévoient pas d’obligation spécifique.
En matière de facturation, ce coût constitue un des éléments du prix de revient qui doit être incorporé dans le prix unitaire hors taxe du produit apparaissant sur la facture. Le cas échéant, il peut également faire l’objet d’une information, de préférence en pied de facture.
Il existe toutefois une exception en ce qui concerne l’écocontribution des DEEE destinés aux ménages et, jusqu’au 1er janvier 2026, celle de l’ameublement, qui doit être indiquée sur la facture de tels produits, en sus du prix unitaire.
Le présent avis procède à une mise à jour de l’avis n° 17-13.
Délibéré et adopté par la Commission d’examen des pratiques commerciales en sa séance plénière du 18 janvier 2024, présidée par Madame Annaïg LE MEUR
Fait à Paris, le 26 janvier 2024
La présidente de la Commission d’examen des pratiques commerciales
Annaïg LE MEUR
[1] Cf. 4° de l’article L. 541-10-1 du code de l’environnement
[2] Cf. article L. 541-10 du code de l’environnement
[3] Cf. article 242 nonies A 8° et 11° de l’annexe 2 au code général des impôts
[4] Cf. article L. 541-10-20 du code de l’environnement
[5] Cf. article L. 541-10-21 du code de l’environnement