Avis n° 23-8 relatif à une demande d’avis d’un cabinet d’avocats portant sur l’applicabilité de plein droit des pénalités de retard prévues à l’article L. 441-10 du code de commerce

Avis n° 23-8 relatif à une demande d’avis d’un cabinet d’avocats portant sur l’applicabilité de plein droit des pénalités de retard prévues à l’article L. 441-10 du code de commerce

La Commission d’examen des pratiques commerciales,

Vu la lettre enregistrée le 2 décembre 2022, sous le numéro 22-51, par laquelle un cabinet d’avocats interroge la Commission sur la portée des pénalités de retard en cas de non-respect des délais de paiement prescrits par l’article L. 441-10 du code de commerce.

Vu les articles L. 440-1 et D. 440-1 à D. 440-13 du code de commerce ;

La rapporteure entendue lors de sa séance plénière 14 septembre 2023 ;

I – Objet de la saisine

La Commission d’examen des pratiques commerciales a été saisie par un avocat, pour le compte de son client, d’une demande d’avis sur la portée des pénalités de retard prévues à l’article L. 441-10 du code de commerce.

Plus précisément, est posée la question de savoir si les pénalités de retard au taux supplétif sont, à l’instar des intérêts au taux légal prévus par le code civil, dues de plein droit sans qu’il soit nécessaire qu’une décision de justice en fasse état ou qu’elles aient été réclamées par un chef spécial des conclusions.

II – Analyse de la saisine

En cas de paiement d’une facture au-delà du délai de paiement contractuel, ce délai ne pouvant qu’être inférieur ou égal au délai plafond applicable en vertu du code de commerce, le débiteur doit verser spontanément, sans qu’un rappel du créancier soit nécessaire (contrairement aux intérêts légaux visés à l’article 1231-6 du code civil), les pénalités de retard et l’indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement prévue par le II de l’article L. 441-10 du code de commerce.

Le taux d’intérêt des pénalités de retard est fixé par ces dispositions : il ne peut être inférieur à 3 fois le taux d’intérêt légal et, en l’absence de stipulation contractuelle, un taux supplétif correspondant au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage s’applique.

Les pénalités de retard prévues à l’article L. 441-10 du code de commerce (anciennement à l’article L. 441-6) constituent des intérêts moratoires (Cass, com, 10 novembre 2015, n°14-15.968), à l’instar des intérêts légaux visés à l’article 1231-6 du code civil. En effet, elles ont pour but de réparer le préjudice résultant du seul fait du retard du paiement d’une somme d’argent.

A la différence du système des dommages et intérêts, le préjudice lié au retard de paiement est présumé et les intérêts courent par le seul effet de la loi (Cass. 3e civ., 10 Décembre 1986, n° 85-16.144).

Par ailleurs, dès lors qu’elles constituent des intérêts moratoires, les pénalités de retard sont capitalisables sur le fondement de l’article 1343-2 du code civil (ancien article 1154 du code civil, Cass. com., 10 novembre 2015, n°14-15.968). Cet article prévoit que « Les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l'a prévu ou si une décision de justice le précise ». A contrario, les articles 1231-6 du code civil et L. 441-10 du code de commerce ne précisent pas que les intérêts moratoires doivent, à défaut de stipulation contractuelle, faire l’objet d’une décision de justice. Au contraire, la Cour de cassation a estimé que les pénalités de retard visées au code de commerce sont applicables de plein droit même en l’absence de stipulation contractuelle pourtant imposée par la loi (Cass. com., 3 mars 2009, n°07-16.527, Cass. com, 22 novembre 2017, 16-19.739).

Si le créancier ne peut pas renoncer par avance à l’applicabilité des pénalités de retard par voie contractuelle, il doit conserver la possibilité d’y renoncer au cas par cas compte tenu de sa liberté contractuelle (CJUE, 16 février 2017, C-555/14 et considérant 16 de la directive 2011/7/UE) mais cette renonciation doit être expresse et ne peut être présumée (Cass. com., 3 mai 2018, n°16-22.070).

Ainsi, si le créancier formule une demande de pénalités de retard au taux supplétif devant le juge de l’exécution à la suite d’un jugement condamnant au paiement de la dette principale, ce juge devrait, malgré le silence du jugement, pouvoir les lui accorder (à l’instar des intérêts moratoires sur le fondement du code civil, Cass. 2e civ., 17 juin 1999, n° 97-15.151).

En effet, le juge de l’exécution « ne peut ni modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites ni en suspendre l’exécution » (article R. 121-1 du code des procédures civiles d'exécution) mais « connaît, de manière exclusive, des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit à moins qu'elles n'échappent à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire » (article L. 213-6 du code de l’organisation judiciaire).

En outre, la demande d’intérêts moratoires constitue un simple accessoire et complément de la demande de paiement de la dette principale (Cass. com, 8 juillet 2014, n°13-20.383) et les pénalités de retard au taux supplétif ne correspondent pas à une clause pénale modifiable par le juge (Cass. com., 2 novembre 2011, n°10-14.677).

Délibéré et adopté par la Commission d’examen des pratiques commerciales en sa séance plénière du 14 septembre 2023, présidée par Madame Agnès MOUILLARD

Fait à Paris, le 15 septembre 2023

La vice-présidente de la Commission d’examen des pratiques commerciales

Agnès MOUILLARD