Avis n° 21-12 relatif à une demande d’avis d’un professionnel portant sur la légalité de la pratique consistant à proposer aux partenaires commerciaux d’une concurrent une prime à la conversion destinée à les inciter à rompre leurs relations commerciales et à entrer en relation contractuelle avec la société proposant ladite prime.
La Commission d’examen des pratiques commerciales,
Vu la lettre enregistrée le 16 juillet 2021, sous le numéro 21-36, par laquelle un professionnel interroge la Commission sur la conformité de la pratique consistant à démarcher les clients d’un concurrent en proposant une prime à la conversion destinée à les inciter à rompre leur relation commerciale et entrer en relation contractuelle avec la société proposant ladite prime.
Vu les articles L. 440-1 et D. 440-1 à D. 440-13 du code de commerce ;
Le rapporteur entendu lors de sa séance plénière du 18 novembre 2021 ;
En vertu de la liberté de concurrence, le démarchage de la clientèle d’autrui est en principe licite, il en est autrement, par exception, lorsque ce démarchage s’accompagne de procédés déloyaux ou intervient dans des conditions déloyales.
La Commission d’examen des pratiques commerciales a été saisie par une entreprise proposant des services de téléconsultation, via des bornes de consultation installées dans différents établissements avec lesquels elle est en relation, d’une demande d’avis sur la conformité au droit de pratiques mises en œuvre par un concurrent effectuant un démarchage de ses clients. Plus précisément, la pratique dénoncée consiste, pour le concurrent, à proposer aux partenaires de la société saisissante, une prime à la conversion destinée à les inciter à rompre leur relation avec cette dernière pour entrer en relation contractuelle avec société concurrente.
Il convient de rappeler que conformément au principe de la liberté du commerce et de l’industrie et à son corollaire, la liberté de la concurrence, il est loisible à n’importe quelle entreprise de tenter de conquérir les clients de ses concurrents, la clientèle ne faisant l’objet d’aucun droit privatif. Ainsi le démarchage de la clientèle d'autrui, expression du jeu normal de la libre concurrence, est en lui-même licite (par ex. Cass. com., 29 janv. 2013, aff. jtes n° 11-21.011 et 11-24.713).
Il en est autrement, par exception, lorsque le démarchage s’effectue en violation des exigences de la loyale concurrence, s’accompagnant de procédés déloyaux ou intervenant dans des conditions déloyales.
Tel est notamment le cas lorsque le démarchage a lieu dans des conditions de nature à créer un risque de confusion, est assorti d’actes de dénigrement, consistant à jeter le discrédit sur l’entreprise ou sur ses produits ou services ou bien en utilisant des fichiers ou d’autres informations frauduleusement soustraits au concurrent ou encore lorsqu’il est le fait d’anciens salariés exploitant connaissances et savoir-faire acquis auprès de leur ancien employeur.
Le fait de prospecter de façon systématique les clients de l'entreprise concurrente peut constituer un élément à prendre en compte lorsqu’il est associé à d'autres circonstances. L’entreprise commettrait un acte de concurrence déloyale dans le cas où la prime à la conversion proposée aux clients de son concurrent les inciterait, en connaissance de cause, à changer de cocontractant en violation de leurs engagements contractuels (rupture anticipée du contrat par exemple) et constituerait un cas de tierce complicité. Il en serait de même si le montant de la prime offerte pour obtenir le changement de cocontractant aboutissait à ce que le niveau du prix pratiqué au bénéfice du client contrevienne aux règles de concurrence, notamment en étant abusivement bas.
Délibéré et adopté par la Commission d’examen des pratiques commerciales en sa séance plénière du 18 novembre 2021, présidée par Monsieur Daniel TRICOT
Fait à Paris, le 18 novembre 2021,
Le vice-président de la Commission d’examen des pratiques commerciales
Daniel TRICOT