La Commission d’examen des pratiques commerciales,
Vu la lettre enregistrée le 5 juillet 2018, sous le numéro 18-30, par laquelle un cabinet d’avocats saisit la Commission afin de recueillir son avis sur la conformité à l’article L. 442-6-I 2° du code de commerce de stipulations figurant dans un contrat de commissionnaire à la vente dans le secteur pharmaceutique.
Vu les articles L. 440-1 et D. 440-1 à D. 440-13 du code de commerce ;
Le rapporteur entendu lors de sa séance plénière du 18 avril 2019 ;
La Commission d’examen des pratiques commerciales (CEPC) a été saisie des questions suivantes par le Conseil d’un laboratoire pharmaceutique qui a conclu avec un distributeur spécialisé dans la commercialisation de spécialités pharmaceutiques un contrat de commission à la vente pour plusieurs des produits qu’il fabrique.
La clause d’un contrat de commission à la vente imposant au seul commettant de payer à son commissionnaire, en cas de non-renouvellement du contrat, quel que soit l’auteur du non-renouvellement et quelle que soit la cause de ce non-renouvellement, une indemnité d’un montant équivalent à deux ans de chiffre d’affaires, correspondant de fait à l’intégralité de la rémunération qu’aurait perçue le commissionnaire dans l’hypothèse d’un renouvellement du contrat, peut-elle être considérée comme créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, au sens de l’article L. 442-6-I-2° du code de commerce ?
En cas de réponse positive à cette question, le refus du commissionnaire d’aménager l’exécution d’une telle clause d’indemnisation, en vue notamment d’atténuer les conséquences du non-renouvellement du contrat, peut-il être considéré comme constituant le fait de soumettre ou tenter de soumettre un partenaire à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, au sens de l’article L. 442-6-I-2° du code de commerce ?
Dans le cas d’un contrat d’agence commerciale, la question de la licéité de la clause d’indemnité compensatrice par rapport aux dispositions de l’article L. 442-6 I 2° du code de commerce, ne se pose pas car cette indemnité compensatrice du préjudice subi par l’agent est due en cas de cessation des relations commerciales avec le mandant.
En revanche, s’agissant d’un contrat de commission, il est permis de s’interroger sur la justification de l’insertion d’une clause d’indemnité compensatrice au bénéfice du commissionnaire, mais également sur sa licéité notamment au regard des dispositions de l’article L. 442-6 I 2° du code de commerce, dès lors que l’insertion de cette clause, n’est pas justifiée par la nature de la convention, ni par la qualité du mandataire ou encore par la volonté du législateur de prévoir un statut juridique du commissionnaire plus protecteur.
I. La qualification juridique retenue du contrat soumis à l’analyse de la CEPC.
L’analyse de la légalité d’une clause d’indemnisation qui prévoit une indemnité compensatrice en cas de cessation des relations commerciales entre un commissionnaire et son mandant implique préalablement de s’interroger sur la nature juridique du contrat : en d’autres termes, s’agit-il d’un contrat d’agence commerciale ou de commission ?
Selon l’article L. 132-1 du code de commerce le commissionnaire est un intermédiaire qui achète ou vend des services pour le compte d'un commettant, mais en son propre nom.
Dans un contrat de commission, lorsqu'un terme est prévu pour l'exécution du contrat, l'arrivée du terme convenu y met fin sans qu'aucune indemnité ne soit due. Cette solution est également applicable au cas où le commissionnaire, lié à son commettant par un contrat à durée déterminée, voit son contrat renouvelé par tacite reconduction.
Il est important de noter que l’absence d’une disposition prévoyant expressément le droit pour le commissionnaire de bénéficier d’une indemnité compensatrice en cas de résiliation du contrat de commission est justifiée par le fait, qu’en sa qualité de commerçant indépendant, le commissionnaire qui agit en son propre nom dispose ainsi de sa propre clientèle.
Ainsi, à l’issue de la convention de commission, le commissionnaire garde le bénéfice de la clientèle qu’il s’est constitué, en sorte qu’il ne se retrouve pas dans la situation de précarité dans laquelle un autre mandataire, qui serait chargé de développer la clientèle de son mandant, tel que l’agent commercial, se retrouve à l’issue du contrat de mandat, ce qui justifie la protection du mandataire par le biais du versement d’une indemnisation compensatrice au bénéfice de ce dernier.
L’agent commercial, selon la définition légale, est un mandataire qui, de façon permanente (CA Poitiers, 15 mai 2007, n°05/01457), traite avec la clientèle au nom et pour le compte de producteurs, industriels ou de commerçants. Il se différencie par-là du commissionnaire qui agit en son nom propre.
La Cour de cassation a affirmé que « l’application du statut d’agent commercial ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties dans leur contrat, ni de la dénomination qu’elles ont données à leurs conventions, mais des conditions dans lesquelles l’activité est effectivement exercée » (Cass.com., 10 décembre 2003, n°01-11.923 et Cass.com., 21 juin 2016, n°14-26.938).
Le statut d’agent commercial a, en effet, un caractère d’ordre public dès lors que l’activité du mandataire correspond à la définition donnée à l’agent commercial par l’article L. 134-1 du code de commerce.
En cas de contestation, le juge ne doit pas tenir compte de la qualification donnée par les parties à leur relation, mais rechercher, eu égard aux stipulations contractuelles comme aux modalités d’exécution du contrat, quel est le véritable statut du mandataire.
S’agissant de l’issue de la convention d’agence commerciale, l’article L. 134-12 du code de commerce dispose expressément que : « En cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi. ». L’indemnité au titre de la résiliation du contrat est donc automatiquement due à l’agent commercial par son donneur d’ordre.
En conséquence, l’article L. 134-12 du code de commerce qui prévoit une indemnité compensatrice n’est applicable qu’aux agents commerciaux.
Ainsi, la jurisprudence a fréquemment pris le soin d’écarter la qualification d’agent commercial dont peut se prévaloir un commissionnaire, afin d’obtenir une indemnité de fin de contrat, parce que les juges pour retenir la qualité de commissionnaire prennent en considération la qualité de commerçant qui agit en son nom propre et non celle de simple intermédiaire développant la clientèle de son mandant (Cass. com., 29 juin 2010, n°09-66.773).
La cour d’appel de Versailles, a également précisé que le contrat de commission partenariat ne peut être qualifié de contrat d'agence commerciale dans la mesure où le commissionnaire est propriétaire de son fonds de commerce, dispose d'une clientèle propre et agit pour le compte du commettant, qui impose les prix de vente sans avoir le pouvoir de négocier dont dispose un agent commercial. En conséquence, le commissionnaire n'a pas droit à l'indemnité de fin de contrat prévue par l'article L. 134-12 du Code de commerce au profit de l'agent commercial (CA Versailles, 9 juin 2011, SARL Business XX c/ SARL Mexx Boutiques).
Dans une autre affaire dans laquelle un distributeur, tout d'abord franchisé puis affilié du fournisseur, s'étant vu notifier la fin de son contrat par ce dernier, l'a assigné en justice dans le but de se voir reconnaître la qualité d'agent commercial et ainsi de pouvoir bénéficier d'une indemnité de cessation de contrat, après avoir constaté que le contrat liant les parties contenait une disposition selon laquelle le distributeur était "un commerçant indépendant propriétaire de son fonds de commerce", la Cour d'appel de Paris a fait droit à sa demande retenant que celui-ci avait bien la qualité d'agent commercial. Saisie sur pourvoi du distributeur, la Cour de cassation sanctionne les juges du fond. Elle juge qu'en statuant ainsi, alors que l'agent commercial, simple mandataire qui n'a pas de clientèle propre, ne peut être titulaire d'un fonds de commerce, et n'a pas la qualité de commerçant, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles L. 134-1 et L. 132-1 du code de commerce (Cass. com., 26 févr. 2008, n° 06-20.772, F.-D. Chattawak c/ C. Pieri).
Si le contrat dont la CEPC est saisi se révèle être en réalité un contrat d’agence commerciale, la question de la licéité de la clause d’indemnité compensatrice insérée dans le contrat par rapport aux dispositions de l’article L. 442-6 I 2° du code de commerce, ne se pose pas car cette indemnité compensatrice du préjudice subi par l’agent est due en cas de cessation des relations commerciales avec le mandant sans que la loi établisse de distinction entre le contrat conclu pour une durée déterminée et le contrat à durée indéterminée.
En revanche, si ce contrat s’avère être un contrat de commission, il est permis de s’interroger sur la justification de l’insertion d’une clause d’indemnité compensatrice au bénéfice du commissionnaire, mais également sur sa licéité notamment au regard des dispositions de l’article L. 442-6 I 2° du code de commerce, dès lors que l’insertion de cette clause, n’est pas justifiée par la nature de la convention, ni par la qualité du mandataire ou encore par la volonté du législateur de prévoir un statut juridique du commissionnaire plus protecteur.
Dans les faits d’espèce soumis à l’analyse de la CEPC, la société commettante, est spécialisée dans la commercialisation de spécialités pharmaceutiques, elle agit ainsi en son nom propre de sorte qu’elle est titulaire de sa clientèle. Par ailleurs, selon les termes du contrat conclu entre les parties, la société commissionnaire a pour mission d’assurer pour le compte du commettant la promotion, la distribution et la vente des produits auprès des clients, sans que le pouvoir de négocier les contrats de vente avec les clients ne soit expressément stipulé dans le contrat de commission. Il est donc permis de considérer, sous réserve de l’interprétation souveraine qu’en ferait le juge civil, que le contrat de commission ne peut bénéficier de la qualification de contrat d’agence commerciale mais de la qualification de commissionnaire.
II. Une clause d’indemnisation qui prévoit une indemnité compensatrice en cas de cessation des relations commerciales entre un commissionnaire et son mandant peut contrevenir aux dispositions de l’article L.442-6 I 2° du code de commerce.
Telles qu’analysées par la Commission d’examen des pratiques commerciales, les modalités d’exécution du contrat ne permettent pas de retenir la qualification d’agence commerciale.
En conséquence, les observations qui suivront s’inscrivent dans l’hypothèse où nous sommes face à un contrat de commission.
Le contrat de commission, dans lequel figurait déjà la clause litigieuse, a été conclu antérieurement à l’entrée en vigueur à l’entrée en vigueur de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie dite « LME » ayant introduit dans le code de commerce la règle relative au déséquilibre significatif.
En revanche les renouvellements successifs dont cette convention a fait l’objet et qui, par ailleurs ont maintenu la clause d’indemnité compensatrice, sont intervenus postérieurement à l’entrée en vigueur de la LME et ont donc donné lieu à de nouveaux contrats auxquels l’article L. 442-6-I-2° du code de commerce est applicable.
1. L’existence d’un partenariat commercial entre le commettant et son commissionnaire
Les dispositions relatives au déséquilibre significatif impliquent l’existence d’une relation d’affaires entre les parties « […] sans instaurer la moindre réserve concernant la nature ou la forme de leurs relations commerciales » (Cour d’appel de Douai, chambre commerciale, 13 septembre 2012, n°12/02832).
Dans un arrêt du 27 septembre 2017 (Paris Pôle 5 ch. 4, 27 septembre 2017, n°16-00671), la Cour d’appel de Paris a identifié le partenaire au « professionnel avec lequel une entreprise commerciale entretient des relations commerciales pour conduire une activité quelconque, ce qui suppose une volonté commune et réciproque d’effectuer de concert des actes ensemble dans des activités de production, de distribution ou de services ».
Elle a encore précisé que deux entités deviennent partenaires, selon deux modalités, à savoir :
- « par la signature d’un contrat de partenariat », lequel formalise « la volonté des parties de construire une relation suivie »,
- ou « parce que leur comportement traduit la volonté de développer des relations stables et établies dans le respect des règles relatives à la concurrence pour coopérer autour d’un projet commun ».
Le 31 janvier 2018, la Cour de cassation a énoncé le principe selon lequel « le partenariat commercial visé à l’article L. 442-6-I-1° et 2° du code de commerce s'entend d'échanges commerciaux conclus directement entre les parties ». Si la Chambre commerciale pourrait sembler retenir une conception moins exigeante que celle, adoptée par la Cour d’appel de Paris dans son arrêt du 27 septembre 2017, il reste que dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt de rejet du 31 janvier 2018, il n’existait aucune relation entre les parties au litige, de sorte qu’il n’était pas nécessaire de s’interroger sur les caractéristiques d’une relation qui faisait totalement défaut (Cour de cassation, chambre commerciale, 31 janvier 2018 pourvoi n°16-24063).
En tout état de cause, tel paraît bien être le cas, en l’espèce, dès lors que le contrat de commission conclu entre le laboratoire pharmaceutique et le distributeur, ayant pour objet la distribution de spécialités pharmaceutiques auprès de pharmaciens d’officines, de groupements de pharmacies et de grossistes répartiteurs, pour une durée déterminée et avec un mécanisme de tacite reconduction, a été constamment renouvelé par les parties depuis quinze ans.
En conséquence, le contrat de commission entre dans le champ d’application matériel de l’article L. 442-6 I 2° du code de commerce.
2. La soumission du commettant par le commissionnaire à la clause d’indemnisation doit être prouvée
Le premier élément constitutif pour l’application de l’article L. 442-6 I 2° du code de commerce résulte du pouvoir de négociation des parties tel qu’appréhendé par le juge à travers un faisceau d’indices tirés de son analyse du contrat et du secteur d’activité concerné.
La Cour de cassation a ainsi identifié la soumission comme « le fait d’imposer ou tenter d’imposer sans possibilité de négociation » (par exemple, Cass. com. 27 mai 2015, n° 14-11387, Galec).
La soumission peut ainsi découler de l’absence de preuve d’une négociation effective illustrée par l’absence d’échange entre les parties: « qu'en pratique, la clause était exécutée par les fournisseurs cependant qu'aucun échange n'était intervenu entre les parties pour en définir les modalités d'application, la cour d'appel a pu retenir qu'en l'absence de toute négociation, la clause faisait naître une véritable obligation à la charge des fournisseurs » (par exemple, Cass.com. 26 avril 2017, n°15-27.865).
La jurisprudence a également précisé que la soumission « consiste à faire peser ou tenter de faire peser sur un partenaire commercial, du fait du déséquilibre du rapport de force existant entre les parties, des obligations injustifiées et non réciproques » (Cour d’appel de Paris, 1er octobre 2014, n°13/16336).
De même, la suppression de clauses contraires figurant dans les documents de l’autre partie au profit de clauses « générales et imprécises » est un élément qui permet au juge de retenir la soumission (par exemple, Cass.com. 26 avril 2017, n°15-27.865).
La prise en compte des demandes et réserves formulées par l’autre partie est également déterminante dans l’appréciation de la volonté de soumission exercée par l’auteur de la pratique.
Ainsi, le refus de prendre en compte les demandes du partenaire établit l’existence d’une soumission de celui-ci aux conditions de l’auteur de la pratique (par exemple Cass.com., 3 mars 2015, n°14-10.907 et CA Paris, 18 décembre 2013, n°12/00150).
Enfin, certaines techniques de négociation ont pu être considérées comme constituant une volonté de soumission du partenaire commercial à des conditions déséquilibrées : « […] l'établissement d'un rapport de force visant à obtenir la soumission de la partie locataire est démontré par l'intrusion de force dans le cabine du podologue M. X... de l'agent commercial de la société X, et le harcèlement et les pressions exercées, à l'intérieur même du cabinet et pendant les horaires de travail de ce professionnel, pour obtenir à toute force le même jour, selon la technique commerciale du "one shot", la signature par l'appelant du contrat de location financière portant sur l'installation d'un site internet présentant les diverses prestations offertes par son activité professionnelle. » (CA Versailles, 23 juin 2016, n°14/06181).
En l’espèce, la clause litigieuse, relative au paiement d’une indemnité au commissionnaire à la vente, a été stipulée dès le premier contrat conclu entre les parties et a été conservée lors des renouvellements successifs du contrat. Cependant, la saisine ne fait état d’aucun élément permettant à la Commission d’apprécier le contexte dans lequel la négociation du mandat a été réalisée et a fortiori de considérer que, lors de la signature de la première convention et de ces reconductions, l’insertion de la clause litigieuse a été imposée au fabricant sans réelle possibilité de négociation pour ce dernier.
3. La clause d’indemnisation qui prévoit une indemnité compensatrice en cas de cessation des relations commerciales entre un commissionnaire et son mandant peut être constitutive d’un déséquilibre significatif
S’agissant du second élément requis pour l’application de l’article L. 442-6 I 2° du code de commerce, il résulte de la grille d’analyse développée par la jurisprudence qui peut notamment se déduire d'une absence totale de réciprocité ou de contrepartie à une obligation, ou encore d'une disproportion importante entre les obligations respectives des parties, sauf à être pourvu d’une justification légitime.
En l’occurrence, l’obligation faite au commettant de verser au commissionnaire, en cas de non-renouvellement du contrat, quel que soit l’auteur du non-renouvellement et quel que soit la cause de ce non-renouvellement, une indemnité d’un montant équivalent à deux ans de chiffre d’affaires n’est pas assortie d’une obligation réciproque, pas plus que d’une contrepartie.
Elle ne semble donc pas trouver sa justification dans la nature des relations entre commissionnaire et commettant : en effet, si le commissionnaire agit pour le compte du commettant dont il représente les intérêts, il reçoit à ce titre une rémunération ; en revanche, et contrairement à l’agent commercial, il agit en son propre nom, de sorte qu’il est titulaire de sa clientèle.
En outre, et selon les éléments communiqués dans la saisine, les modalités de calcul prévues pour cette indemnité aboutissent, lorsqu’on les met en perspective avec le taux de commission moyen perçu par le commissionnaire et avec la durée des contrats, à ce qu’en cas de non-renouvellement du contrat, le commettant ait à verser au commissionnaire une indemnité d’un montant pratiquement équivalent à celui des commissions qu’il aurait dû payer dans le cas où la relation contractuelle se serait poursuivie.
Cette clause d’indemnité crée une asymétrie notable dans les droits et obligations entre les parties tant dans les conséquences financières d’un non-renouvellement nettement défavorables au commettant, mais également parce qu’elle est de nature à entraver l’exercice de sa liberté de mettre un terme à la relation commerciale, moyennant le respect d’un préavis conforme aux exigences de l’article L. 442-6-I-5° du code de commerce du fait de son caractère dissuasif, rendant ainsi le commettant captif de la relation commerciale qui le lie à son commissionnaire.
Il reste que, conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation, l’auteur allégué de la pratique litigieuse a la possibilité de rapporter la preuve d’un rééquilibrage à l’échelle de la relation contractuelle dans son ensemble. (Cass.com., 25 janvier 2017, pourvoi n°E 15-23.547).
III. Le refus du commissionnaire d’aménager l’exécution d’une clause d’indemnisation peut contrevenir aux dispositions de l’article L.442-6 I 2° du code de commerce
S’agissant du point de savoir si le refus du commissionnaire d’aménager l’exécution d’une telle clause d’indemnisation, en vue notamment d’atténuer les conséquences du non-renouvellement du contrat, peut contrevenir à l’article L. 442-6-I-2° du code de commerce, il doit être démontré que l’auteur allégué de la pratique impose ou tente d’imposer à son partenaire commercial la clause litigieuse.
Tel pourrait être le cas lorsqu’un distributeur se borne à refuser d’accéder à la demande de son cocontractant de réaménager une stipulation contractuelle alors que cette dernière ne comporte aucune justification ou encore qu’elle génère une telle asymétrie dans les droits et obligations des parties en sorte qu’une seule partie au contrat met uniquement à la charge, et au détriment, de son partenaire commercial de lourdes obligations dont il est le seul à bénéficier des avantages induits (Cour d’appel de Paris, 1er octobre 2014, n°13/16336).
IV. Le fait que le commettant rencontre des difficultés financières ne suffit pas à caractériser un cas de force majeure ou d’imprévision nécessitant une renégociation du contrat de commission
Enfin, la saisine indique que le laboratoire « rencontre actuellement d’importantes difficultés économiques qui risquent de le contraindre à arrêter la fabrication des produits » concernés.
Il est opportun de préciser que cette situation ne semble pas, en l’état des éléments communiqués, pouvoir constituer un événement de force majeure.
En effet, une telle qualification suppose la réunion de trois conditions cumulatives, à savoir un événement échappant au contrôle du débiteur, raisonnablement imprévisible lors de la conclusion du contrat et irrésistible. Or, il n’est pas acquis notamment que les difficultés économiques soient extérieures au débiteur. De plus, l’exécution de l’obligation doit être rendue impossible, ce qui ne paraît pas être le cas.
Par ailleurs, la relation commerciale en cause ne relève pas de l’article L. 441-8 du code de commerce imposant l’insertion d’une clause de renégociation dans certains contrats. S’il existe dorénavant un article 1195 du code civil consacrant l’admission de l’imprévision en droit privé des contrats, cette disposition ne peut jouer en l’occurrence, compte tenu des principes d’application de la loi dans le temps.
A supposer même que ce texte puisse s’appliquer, les « importantes difficultés économiques » dont fait état la saisine et qui contraindraient le laboratoire pharmaceutique à devoir arrêter la fabrication des produits concernés ne satisfont pas nécessairement les exigences résultant de la disposition légale requérant « un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rend l'exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n'avait pas accepté d'en assumer le risque ».
Délibéré et adopté par la Commission d’examen des pratiques commerciales en sa séance plénière du 18 avril 2019, présidée par Monsieur Daniel TRICOT
Fait à Paris, le 18 avril 2019,
Le vice-président de la Commission d’examen des pratiques commerciales
Daniel TRICOT