Avis n° 19-2 relatif à une demande d’avis d’un cabinet d’avocats portant sur l’application du plafond légal des délais de paiement dans le contexte d’un contrat-cadre conclu entre deux sociétés mères étrangères

La Commission d’examen des pratiques commerciales,

Vu la lettre enregistrée le 11 septembre 2017, sous le numéro 17-42, par laquelle un cabinet d’avocats  interroge  la Commission sur une question relative à l’applicabilité extraterritoriale des délais de paiement fixés par l’article L. 441-6 I alinéa 9 du code de commerce.

Vu les articles L. 440-1 et D. 440-1 à D. 440-13 du code de commerce ;

Le rapporteur entendu lors de sa séance plénière du 14 mars 2019 ;

Les ventes intervenues entre une filiale française du fournisseur et une filiale française de l’acheteur en application d’un contrat-cadre de fourniture conclu entre leurs sociétés mères étrangères respectives conservent en principe leur caractère de ventes internes soumises au droit interne français et partant au plafonnement des délais de paiement.

Il ne pourrait en aller différemment que si l’une des sociétés mères au moins pouvait s’analyser comme une partie à la vente ou comme l’établissement de la filiale disposant de la relation la plus étroite avec le contrat.

Un avocat interroge la CEPC sur l’applicabilité des délais de paiement fixés par l’article L. 441-6 I alinéa 9 du Code de commerce à des ventes de marchandises fabriquées, livrées et facturées entre deux sociétés de droit français, l’une et l’autre filiales de groupes multinationaux pilotés par des sociétés mères étrangères. Plus précisément, la question est de savoir si les contrats de vente liant ces deux filiales peuvent être soumis à la convention de Vienne du 11 avril 1980 sur la vente internationale de marchandises (ci-après CVIM) – et échapper à ce titre à la stricte application de l’article L. 441-6 I alinéa 9 du Code de commerce (CEPC, avis n°16-12) – dès lors qu’ils ne font que reproduire et appliquer un contrat-cadre de fourniture conclu par les sociétés mères de chaque groupe, ce contrat étant soumis au droit suisse – Etat partie à la CVIM – et comportant une clause compromissoire désignant un arbitre siégeant en Suisse.

A titre liminaire, la question posée doit être envisagée au regard de la situation particulière des groupes de sociétés. Le groupe désigne schématiquement l’ensemble constitué par des sociétés juridiquement autonomes placées sous la dépendance économique de l’une d’entre elles. Dépourvu en tant que tel de personnalité juridique, le groupe est constitué de sociétés qui en sont dotées. Dans les groupes très intégrés, l’exercice par la société mère de son pouvoir de domination peut aller jusqu’à priver la filiale de toute autonomie de décision. Elle n’en reste pas moins une personne juridiquement autonome. Il en résulte que les contrats conclus par la filiale ne lient pas sa société mère et réciproquement. La jurisprudence rappelle constamment ce principe d’autonomie (v. par exemple Com. 13 mars 2001, n°98-13021). Des exceptions sont certes admises en droit spécial (v. Dossier Indépendance juridique de la personne morale versus dépendance économique, Cahiers de droit de l’entreprise, septembre-octobre 2017). En droit commun, la filiale est seule engagée envers son cocontractant sauf si l’immixtion de la société mère est de nature à créer une apparence propre à faire croire au contractant que la société mère s’engage aux côtés de la filiale ou se substitue à elle (Civ. 3e 13 décembre 2006, n°05-18707 ; comp. Com. 5 février 1991, n°89-12232 ; Com. 3 février 2015, n°13-24895).

En l’espèce, la société mère du groupe fournisseur a conclu avec la société mère du groupe acheteur un « contrat cadre » de fourniture. Les ventes conclues entre les filiales respectives de chaque groupe le sont en application de ce contrat cadre. Le contrat cadre et les contrats de vente n’en constituent pas moins des contrats distincts conclus par des parties juridiquement distinctes.

1. Le contrat cadre de fourniture conclu entre les sociétés mères établies à l’étranger

L’auteur de la saisine précise que « comme la plupart des contrats de ce type, le contrat-cadre fixe les termes et conditions négociés entre les parties à l’international. En l’espèce, il régit l’ensemble des ventes de marchandises intervenant entre les filiales du fournisseur et celles de l’acheteur, quelle que soit leur nationalité, et indépendamment du lieu où les marchandises sont fabriquées, livrées et facturées. (…) Le contrat-cadre est soumis au droit suisse et comporte une clause d’arbitrage désignant un arbitre en Suisse ».

Il ajoute que « selon notre analyse, le contrat n’ayant pas expressément exclu l’application de la Convention de Vienne sur la vente internationale de marchandises (à laquelle la Suisse est signataire), les parties à un tel contrat-cadre international ont toute latitude de fixer contractuellement des délais de paiement plus longs que ceux prévus à l’article L. 441-6 I alinéa 9 du Code de commerce, sous réserve de ne pas prévoir de délais manifestement abusifs à l’égard du fournisseur (CEPC, avis n°16-12)».

L’applicabilité de la convention de Vienne au contrat cadre de fourniture n’est pas exclue du seul fait que les parties ont désigné le droit suisse (v. Com. 13 septembre 2011, n°09-70305). Dès lors que la loi choisie est celle d’un Etat contractant, il est admis que la convention doit s’appliquer conformément à l’article 1§1 b), sauf si l’Etat désigné a émis une réserve conformément à l’article 95 de la convention, ce qui n’est pas le cas de la Suisse. La clause de choix ne pourrait valoir exclusion de la CVIM que si elle désignait précisément le droit interne de l’Etat désigné. A l’inverse, une désignation générale englobe la CVIM à supposer que le contrat litigieux entre bien dans son champ d’application matériel et spatial.

Du point de vue spatial, la CVIM s’applique lorsque les parties ont leur établissement dans des Etats différents (Article 1§1) :

1) La présente Convention s'applique aux contrats de vente de marchandises entre des parties ayant leur établissement dans des Etats différents : a) lorsque ces Etats sont des Etats contractants ; ou b) lorsque les règles du droit international privé mènent à l'application de la loi d'un Etat contractant.

2) Il n'est pas tenu compte du fait que les parties ont leur établissement dans des Etats différents lorsque ce fait ne ressort ni du contrat, ni de transactions antérieures entre les parties, ni de renseignements donnés par elles à un moment quelconque avant la conclusion ou lors de la conclusion du contrat »

Le contrat cadre de fourniture étant conclu entre deux sociétés établies dans des Etats étrangers, la condition d’internationalité est a priori remplie (v. cependant infra sur la notion d’établissement).

Du point de vue matériel, la CVIM s’applique exclusivement aux ventes. Bien que la convention n’en donne pas de définition, il ne fait guère de doute que tout contrat comportant, à titre principal, l’obligation pour une partie, le vendeur, de livrer et de transférer la propriété sur les marchandises (article 30) et pour l’autre partie, l’acheteur, de prendre livraison et de payer le prix (article 53) peut être qualifié de vente au sens de la convention. De ce point de vue, l’applicabilité de la CVIM au contrat cadre de fourniture ne va pas de soi.

Ainsi, il a été jugé que la CVIM était inapplicable aux contrats-cadre de distribution qui organisent la relation commerciale entre les parties et les modalités de la revente des produits ou services contractuels (Cass. com., 20 févr. 2007, no 04-17.752 ; comp. à propos de la convention de La Haye du 15 juin 1955 sur la loi applicable à la vente internationale d’objets mobiliers corporels : Cass. 1re civ., 22 juill. 1986, no 84-17.817).

En revanche, la qualification de vente a été admise à propos d’un contrat-cadre d’approvisionnement dans lequel les parties sont désignées comme "fabricant" et "acheteur" et dans lequel sont déterminées précisément la marchandise à fournir, les quantités à livrer, la méthode de détermination du prix et les modalités de paiement, de sorte que le contrat comportait bien « des obligations réciproques de livrer et d'acheter une marchandise déterminée, à un prix convenu » (CA Colmar, 12 juin 2001, no 1998/00359, D. 2003, p. 2367, obs. W.-T. Schneider. – Et sur pourvoi Cass. 1re civ., 30 juin 2004, no 01-15.964, D. 2005, pan., p. 2289, obs. Cl. Witz ; comp. CA Toulouse, 25 févr. 2015, no 13/00501, RDAI 2016, p. 469, chr. J. Feigher et A. Doruk ).

Dès lors que le contrat cadre de fourniture s’analyse bien comme une vente internationale au sens de la CVIM, il sera régi par la convention en tant que composante du droit suisse désigné par les parties.

2. Les contrats de vente conclus entre les filiales établies en France

L’auteur de la saisine expose encore que « les filiales de l’acheteur couvertes par le contrat se situent en Allemagne, Espagne, France, Grèce, Hongrie, Italie, Maroc, Pays-Bas, Pologne et Royaume-Uni ; les achats réalisés par la filiale française de l’acheteur sont fabriqués et livrés par une filiale française du fournisseur ;  le fournisseur émet ses factures de manière centralisée au Luxembourg pour l’ensemble des ventes au groupe acheteur, à l’exception des factures afférentes aux ventes en France qui sont émises par une filiale française du fournisseur pour des raisons fiscales (TVA) ».

Dans ce contexte, la question posée est de savoir si la CVIM, à la supposer applicable au contrat-cadre, étend son empire aux ventes intervenues en application de ce contrat-cadre, « y compris s’agissant des ventes de marchandises fabriquées, livrées et facturées par une filiale française du fournisseur à une filiale française de l’acheteur », l’enjeu étant ici de déterminer si ces ventes échappent à l’application de l’article L. 441-6 I alinéa 9 du Code de commerce plafonnant les délais de paiement.

En d’autres termes, il s’agit de savoir si la CVIM peut s’appliquer à un contrat interne par tous ses éléments objectifs, qui s’inscrit dans le cadre de relations commerciales entre deux groupes multinationaux intégrés dominées par un contrat cadre de fourniture. Plus précisément, est-ce que les achats réalisés par la filiale française de « l’acheteur » de produits fabriqués, livrés et facturés en France par la filiale française du « fournisseur » peuvent être soumis au droit suisse intégrant la CVIM à l’instar du contrat cadre de fourniture conclu entre les têtes de groupe étrangères en application duquel ces ventes sont formées et exécutées ?

Il convient a priori d’apporter une réponse négative à cette question.

Bien que les ventes intervenues entre les filiales soient liées au contrat cadre de fourniture conclu entre leurs sociétés mères respectives, elles s’analysent comme des contrats distincts conclus entre des parties distinctes. S’agissant des ventes conclues entre la filiale française de « l’acheteur » et la filiale française du « vendeur », elles ne peuvent être soustraites à l’application des dispositions non supplétives de la loi française – par application de la CVIM intégrée au droit suisse régissant le contrat cadre – que si elles sont internationales. A l’inverse, une vente interne est soumise au droit interne français, les parties gardant la faculté de déroger à ses dispositions supplétives, le cas échéant par l’intégration au contrat des dispositions d’une loi étrangère ou de règles conventionnelles.

L’article L. 441-6 du code de commerce n’étant pas supplétif de volonté dans l’ordre interne, le plafonnement des délais de paiement s’applique impérativement aux ventes internes.

Ainsi, en premier lieu, les ventes litigieuses peuvent-elles être soumises à une loi étrangère en application des règles de conflit de loi en vigueur ? Il est permis d’en douter.

En vertu de l’article 1er de la convention de La Haye du 15 juin 1955 sur la loi applicable à la vente internationale d’objet mobilier corporel : « La présente Convention est applicable aux ventes à caractère international d'objets mobiliers corporels. (…) La seule déclaration des parties, relative à l'application d'une loi ou à la compétence d'un juge ou d'un arbitre, ne suffit pas à donner à la vente le caractère international au sens de l'alinéa premier du présent article. » Il en résulte qu’en l’absence d’élément se rapportant objectivement à un ordre juridique étranger, le contrat ne peut être tenu pour international.

Le règlement n°593/2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (« Rome I ») a un champ d’application plus large dans la mesure où il s’applique à un contrat interne par tous ses éléments objectifs qui donne compétence – directement ou par référence – à une loi étrangère. Dans ce type d’hypothèse, l’article 3§3 du règlement prévoit toutefois que le choix d’une loi étrangère ne permet pas d’éluder les dispositions d’ordre public interne du droit qui aurait été applicable à défaut de choix. Il en résulte que le contrat objectivement interne demeure soumis à l’application de toutes les dispositions non supplétives du droit auquel il est naturellement soumis.

Parmi les facteurs objectifs d’internationalité, sont pris en compte l’établissement des parties, le lieu de fabrication ou encore le lieu de livraison. Tous ces éléments sont en l’espèce localisés en France. Les seuls éléments objectivement étrangers résident dans l’extranéité des sociétés mères et les liens avec le contrat cadre. La doctrine a suggéré que l’établissement de la société mère puisse dans certaines circonstances être pris en compte pour internationaliser les contrats conclus par la filiale (P. Mayer, « Réflexions sur la notion de contrat international », in. Mélanges en l’honneur de Pierre Tercier, Schulthess, Zurich, 2008, p.873). L’appartenance de l’une des parties à un groupe multinational est toutefois indifférent en tant que tel.  L’internationalité du contrat cadre ne permet pas non plus de déduire automatiquement l’internationalité du contrat d’application. Tout dépend de l’analyse des documents contractuels dont la CEPC ne dispose pas.

Même à supposer le contrat international au sens des instruments régissant les conflits de lois, il convient en second lieu de vérifier l’applicabilité de la CVIM qui est soumise à des conditions qui lui sont propres.

En vertu de l’article 1§1, il importe en effet que les parties aient leur établissement dans des Etats différents (Article 1§1) :

« 1) La présente Convention s'applique aux contrats de vente de marchandises entre des parties ayant leur établissement dans des Etats différents : a) lorsque ces Etats sont des Etats contractants ; ou b) lorsque les règles du droit international privé mènent à l'application de la loi d'un Etat contractant.

2) Il n'est pas tenu compte du fait que les parties ont leur établissement dans des Etats différents lorsque ce fait ne ressort ni du contrat, ni de transactions antérieures entre les parties, ni de renseignements donnés par elles à un moment quelconque avant la conclusion ou lors de la conclusion du contrat »

La notion de partie au contrat n’est pas définie par la CVIM. Elle dépend du droit national applicable au contrat. Lorsque le contrat de vente est conclu par une filiale, la question peut se poser de savoir si la filiale signataire est seule partie à ce contrat ou bien si celui-ci engage sa société mère qui, dans certains groupes intégrés, l’a orientée non seulement dans le choix du contractant mais également dans celui des termes du contrat, comme c’est le cas en l’espèce.

En droit français, il convient en principe de tenir compte de la personne juridiquement partie à l’accord – en l’occurrence la filiale – même si elle est placée sous la dépendance économique de la société mère. Il n’en va différemment que lorsque l'immixtion de la société mère est de nature à créer une apparence propre à faire croire au tiers contractant que la société mère s’est engagée aux côtés ou aux lieu et place de sa filiale (Cass. AP 9 octobre 2006, n°06-11056 ; Cass. com. 12 juin 2012, n°11-16109 ; Cass. com. 3 février 2015, n°13.24895).

La notion d’établissement n’est pas non plus définie par la CVIM. La jurisprudence l’entend comme une organisation commerciale stable et durable dotée d’une indépendance suffisante, ce qui permet de considérer une succursale de vente comme un établissement (v. Précis de jurisprudence de la CNUDCI, éd. 2016). Tout au plus la CVIM prévoit-elle (article 10) que « Aux fins de la présente convention a) Si une partie a plus d’un établissement, l’établissement à prendre en considération est celui qui a la relation la plus étroite avec le contrat et son exécution eu égard aux circonstances connues des parties ou envisagées par elles à un moment quelconque avant la conclusion ou lors de la conclusion du contrat ; b) Si une partie n’a pas d’établissement, sa résidence habituelle en tient lieu ».

Ainsi « la condition d’internationalité n’est pas remplie lorsque les parties ont chacune leur établissement dans le même pays. Il en va également ainsi lorsque les parties n’ont pas la même nationalité, puisque le paragraphe 3 de l’article premier dispose que “la nationalité des parties [...] [n’est] pas pris[e] en considération pour l’application de la présente Convention”. Par ailleurs, le fait que le lieu où le contrat est conclu soit situé dans un Etat autre que celui où il est exécuté ne rend pas le contrat “international” » (v. Précis de jurisprudence de la CNUDCI, éd. 2016, n°6 sous Article 1)

En l’espèce, des ventes sont apparemment conclues entre deux sociétés de droit français. Au regard de ce qui précède, la différence d’établissement des parties – préalable à l’application de la CVIM – n’est donc pas vérifiée a priori. En présence d’une vente interne, les parties sont admises à déroger – directement ou par référence au contrat cadre de fourniture – à toutes les dispositions supplétives du droit français ; elles ne peuvent en revanche déroger à ses dispositions impératives.

Pour autant, et dans le droit fil de ce qui précède, l’applicabilité de la CVIM pourrait se déduire directement dans deux séries de circonstances particulières correspondant à deux hypothèses distinctes.

La première est celle dans laquelle l’une au moins des sociétés mères étrangères peut être tenue pour partie au contrat de vente, le cas échéant en tant que mandante, ou en tant que co-vendeur ou co-acheteur. Dans ce cas, l’établissement à l’étranger de l’une des parties permet de retenir l’internationalité de la situation dont dépend l’applicabilité de la convention.

Cela a été admis dans une affaire où le contrat de vente avait été conclu entre deux sociétés de droit espagnol. L’acheteur établi en Espagne soutenait avoir traité avec une société de droit allemand qui entretenait des liens avec le vendeur, notamment du fait que les membres de leur conseil d’administration respectif étaient en partie les mêmes. Le juge allemand saisi du litige a estimé que le contrat était international au sens de la Convention. Se fondant sur le comportement des parties lors des négociations et de l’exécution du contrat, il a considéré que le partenaire contractuel de l’acheteur était bien le fabricant allemand qui avait exercé son “contrôle sur la formation du contrat et son exécution, ce dont l’[acheteur] était bien informé” (Oberlandesgericht Stuttgart, Allemagne, 28 février 2000, accessible en langue anglaise à l’adresse www.cisg.law.pace.edu.)

La seconde hypothèse est celle dans laquelle l’une au moins des sociétés mères étrangères peut être considérée comme l’établissement du vendeur ou de l’acheteur « qui a la relation la plus étroite avec le contrat et son exécution eu égard aux circonstances connues des parties ou envisagées par elles à un moment quelconque avant la conclusion ou lors de la conclusion du contrat » (Article 10 CVIM).

La Cour de justice l’a admis dans une hypothèse singulière pour la mise en œuvre de la convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 sur la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions (CJCE, 9 déc. 1987, aff. 218/86, Schotte). Pour la mise en œuvre de la CVIM, une société mère n’a jamais à notre connaissance été tenue pour l’établissement de sa filiale. En revanche, une juridiction du Massachussets a eu l’occasion de rechercher le « centre de gravité des circonstances » pour déterminer quel était l’établissement du groupe vendeur à prendre en compte. En l’espèce, était en cause une vente de matériel à un acheteur établi dans le Massachussets par une filiale d’un groupe multinational établie dans le même Etat. Compte tenu de la participation d’une autre filiale australienne du groupe vendeur aux travaux de recherche, développement et fabrication du matériel, la question s’est posée de savoir si la CVIM était applicable. La Cour supérieure du Massachussets a déclaré que le critère d’entrée dans le champ de la CVIM était similaire au critère du « centre de gravité des circonstances » que l’on rencontre dans les lois de certains Etats contre les relations commerciales inéquitables. Au regard des faits litigieux, la Cour a jugé que le centre de gravité était le Massachusetts (Superior Court of Massachusetts No. 034305BLS
28 février 2005 Vision Systems, Inc. c. EMC Corporation Publiée en anglais: 2005 WL 705107 : http://cisgw3.law.pace.edu/cisg/wais/db/cases2/050228u1.html).

Ainsi, lorsque les circonstances permettent de considérer que la société mère étrangère est partie au contrat ou bien qu’elle est l’établissement qui a la relation la plus étroite avec le contrat de vente, celui-ci pourra être tenu pour international au sens de la CVIM dont l’applicabilité peut être retenue directement en vertu de l’article 1-1 a) ou en tant que composante du droit suisse applicable à un contrat international en vertu de l’article 1-1 b).

En conclusion

Les ventes intervenues entre une filiale française du fournisseur et une filiale française de l’acheteur en application d’un contrat-cadre de fourniture conclu entre leurs sociétés mères étrangères respectives conservent en principe leur caractère de ventes internes soumises au droit interne français et partant au plafonnement des délais de paiement.

Il ne pourrait en aller différemment que si l’une des sociétés mères au moins pouvait s’analyser comme une partie à la vente ou comme l’établissement de la filiale disposant de la relation la plus étroite avec le contrat.

Délibéré et adopté par la Commission d’examen des pratiques commerciales en sa séance plénière du 14 mars 2019, présidée par Monsieur Daniel TRICOT

Fait à Paris, le 14 mars 2019,

Le vice-président de la Commission d’examen des pratiques commerciales

Daniel TRICOT