Commission d'examen des pratiques commerciales

Avis n° 19-10 relatif à une demande d’avis d’un cabinet d’avocats sur l’applicabilité des articles L. 441-3 et L. 441-4 du code de commerce

Avis n° 19-10 relatif à une demande d’avis d’un cabinet d’avocats sur l’applicabilité des articles L. 441-3 et L. 441-4 du code de commerce dans le cadre de la relation commerciale entre un exploitant de complexes cinématographiques et ses fournisseurs de produits alimentaires et boissons revendus en l’état

La Commission d’examen des pratiques commerciales,

Vu la lettre enregistrée le 26 juillet 2018, sous le numéro 18-42, par laquelle un cabinet d’avocats interroge la Commission sur l’applicabilité des dispositions de l’ article L. 441-7 du code de commerce dans le cadre de la relation commerciale entre un exploitant de complexes cinématographiques et ses fournisseurs de produits alimentaires et boissons revendus en l’état.

Vu les articles L. 440-1 et D. 440-1 à D. 440-13 du code de commerce ;

Le rapporteur entendu lors de sa séance plénière du 19 septembre 2019 ;

Il est demandé à la CEPC son avis sur l’applicabilité des dispositions de l’article L. 441-7 du code de commerce (contrats écrits annuels ou pluriannuels devant être signés entre les fournisseurs et les distributeurs ou les prestataires de service) dans le cadre de la relation commerciale entre un exploitant de complexes cinématographiques et certains de ses fournisseurs, grossistes et fabricants de produits alimentaires et boissons.

Dans le cadre de son activité, il est précisé que ce professionnel vend des produits qui sont transformés dans les points de vente (pop-corn, boissons mises en gobelets, etc.) mais revend également d’autres produits achetés en l’état à ses fournisseurs (boissons en bouteille, friandises conditionnées en sachet, glaces, etc.).

Le demandeur fait référence à l’avis 13-01 de la CEPC par lequel celle-ci a estimé que dans le cadre d’une relation entre des fournisseurs et des entreprises du secteur café-hôtellerie-restauration (CHR), ces dernières ne peuvent être qualifiés ni de distributeurs ni de prestataires de services au sens de l’article L. 441-7 du code de commerce, « dès lors que dans le cadre de leurs activités, ils transforment les produits qu’ils revendent à leurs clients dans le cadre d’une prestation de service globale (service par un personnel, qualité, ambiance…). »

Par ailleurs, le demandeur évoque également l’avis 16-6 de la CEPC dans lequel celle-ci a admis que cette position était applicable à un réseau de restauration rapide qui offre trois types de prestations aux consommateurs : service de restauration sur place,  service de vente à emporter, et service de livraison à domicile. En effet, la CEPC considère que même si ces deux dernières activités ne constituent pas des « CHR » classiques « le point déterminant est que la revente des produits en l’état comme des boissons s’inscrit bien dans le cadre d’une prestation de service globale dans laquelle le client se voit remettre ou livrer chez lui, par coursier, un repas complet. La revente en l’état de produits alimentaires apparaît donc comme un élément accessoire d’une prestation de service globale ».

Dans ce cadre, la CEPC est interrogée sur le fait de savoir si l’analyse faite par la CEPC dans ces deux avis est transposable à la situation des entreprises exploitant des complexes cinématographiques. En d’autres termes, celles-ci doivent-elles être considérées, en raison du fait que la revente de produits alimentaires en l’état serait un accessoire d’une prestation de service globale rendue aux clients, comme ne pouvant être qualifiées de « distributeur » ou de « prestataire de services » au sens des dispositions de l’article L. 441-7 du code de commerce.

Réponse :

I. Les dispositions de l’article L. 441-7 du code de commerce ont été modifiées par l’ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019

Au préalable, il convient de préciser que l’ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 portant refonte du titre IV du livre IV du code de commerce relatif à la transparence, aux pratiques restrictives de concurrence et aux autres pratiques prohibées a modifié notamment la législation applicable aux conventions écrites annuelles ou pluriannuelles entre les fournisseurs et les distributeurs ou prestataires de service. Celles-ci sont désormais encadrées par les articles L. 441‑3 et L. 441-4 du code de commerce.

L’article L. 441-3 du code de commerce prévoit ainsi qu’une convention écrite est conclue entre le fournisseur et le distributeur ou le prestataire de service pour une durée d’un an, de deux ans ou de trois ans. L’article L. 441-4 du même code prévoit que lorsque cette convention concerne des produits de grande consommation, définis par ce texte comme des produits non durables à forte fréquence et récurrence de consommation, celle-ci contient des obligations supplémentaires. La convention conclue entre fournisseurs et distributeurs de produits de grande consommation, qui comprennent notamment les produits alimentaires dont les boissons non alcoolisées et alcoolisées, doit par conséquent respecter les dispositions de l’article L. 441‑3 du code de commerce, ainsi que celles additionnelles de l’article

L. 441-4 du même code. Ce dernier article n’est par ailleurs pas applicable au grossiste, qui s'entend de toute personne physique ou morale qui, à des fins professionnelles, achète des produits à un ou plusieurs fournisseurs et les revend, à titre principal, à d'autres commerçants, grossistes ou détaillants, à des transformateurs ou à tout autre professionnel qui s'approvisionne pour les besoins de son activité.

II. La revente de produits alimentaires et de boissons en l’état au sein des complexes cinématographiques par les exploitants de ceux-ci doit constituer une activité accessoire à l’activité principale

L’activité principale des exploitants de complexes cinématographiques est la vente de prestations de service (visionnage de films dans une salle spécialement aménagée). Par conséquent, la vente de prestations de restauration et de produits alimentaires ou boissons en l’état au sein du complexe cinématographique, par les exploitants de ceux-ci, constitue en principe une activité accessoire à leur activité principale, destinée à une clientèle ayant acheté par ailleurs une place de cinéma.

Ainsi, dès lors que les ventes de produits alimentaires et de boissons se déroulent dans les conditions mentionnées ci-dessus, les exploitants de complexes cinématographiques ne sauraient être qualifiés de distributeurs ou de prestataires de services au sens des articles L. 441‑3 et L. 441-4 du code de commerce et n’ont donc pas à établir une convention annuelle ou pluriannuelle avec leurs fournisseurs de produits alimentaires ou de boissons, même dans le cas où ceux-ci sont revendus en l’état dans leurs établissements.

Il est précisé que la saisine ne concernant que le cas où la vente de prestations de restauration et de produits alimentaires ou boissons en l’état est effectuée par un exploitant de complexe cinématographique lui-même, le présent avis n’est pas transposable aux situations dans lesquelles la vente serait effectuée au sein de ce complexe par un tiers.

Délibéré et adopté par la Commission d’examen des pratiques commerciales en sa séance plénière du 19 septembre 2019, présidée par Monsieur Daniel TRICOT

Fait à Paris, le 19 septembre 2019,

Le vice-président de la Commission d’examen des pratiques commerciales

Daniel TRICOT