Avis n° 18-11 relatif à une demande d’avis d’un avocat portant sur la légalité de certaines pratiques au regard de la réglementation en matière de délais de paiement dans le secteur de l’agroéquipement thematique

La Commission d’examen des pratiques commerciales,

Vu la lettre enregistrée le 23 mars 2018, sous le numéro 18-18, par laquelle un avocat  interroge la Commission sur la conformité de certaines pratiques au regard de la réglementation en matière de délais de paiement dans le secteur de l’agroéquipement.

Vu les articles L440-1 et D440-1 à D440-13 du code de commerce ;

Les rapporteurs entendus lors de sa séance plénière du 25 octobre 2018 ;

Les délais de paiement maximum fixés à l’article D. 441-5-1 I du code de commerce pour le secteur de l’agroéquipement doivent être respectés par les opérateurs dans tous les cas de figure, quelle que soit la date d’émission de la facture, le mode de calcul utilisé, ainsi que les délais mentionnés au contrat. Bien entendu, les parties peuvent prévoir et pratiquer des délais de paiement inférieurs aux délais maximum prévus par la réglementation.

Il est demandé à la CEPC son avis sur les modalités d’application des règles en matière de délais de paiement dans le secteur de l’agroéquipement, plus particulièrement en ce qui concerne les délais applicables aux fabricants d’équipements et d’appareils destinés à l’entretien d’espaces verts.

L’article D. 441-5-1 du code de commerce fixe la liste des secteurs concernés par les dispositions de l’alinéa 14 de l’article L. 441-6-I du même code, qui exclut certains secteurs présentant un caractère saisonnier particulièrement marqué du champ d’application des dispositions relatives aux délais de paiement de droit commun.

Ainsi, en application des dispositions du I de l’article D. 441-5-1, « le secteur de l'agroéquipement, pour les ventes de matériels d'entretien d'espaces verts et de matériels agricoles à l'exception des tracteurs, matériels de transport et d'élevage, entre, d'une part, les industriels de l'agroéquipement, constructeurs et importateurs, et, d'autre part, les entreprises de distribution spécialisées et de réparation » est inclus dans le champ du dispositif dérogatoire.

Deux types de délais de paiement maximums sont prévus par cet article, à savoir « 55 jours fin de mois à compter de la date d'émission de la facture pour les matériels d'entretien d'espaces verts » et « 110 jours fin de mois à compter de la date d'émission de la facture pour les matériels agricoles ».

Dans ce cadre, la CEPC est interrogée :

  • sur la possibilité de convertir le délai de « 55 jours fin de mois à compter de la date d'émission de la facture » en un délai de « 70 jours nets à compter de la date d’émission de la facture » et le délai de « 110 jours fin de mois à compter de la date d'émission de la facture » en un délai de « 125 jours fin de mois à compter de la date d’émission de la facture » ;
  • sur la possibilité de déroger aux délais de paiement de l’article D. 441-5-1 I du code de commerce pendant la période située entre le 1er mars et le 31 octobre, en appliquant le plafond de droit commun aux délais de paiement convenus entre les parties, soit 60 jours à compter de la date d’émission de la facture tel que prévu au 9ème alinéa de l’article L. 441-6 du code de commerce) ;
  • sur la possibilité de déroger totalement aux délais dérogatoires de l’article D. 441-5-1 I du code de commerce au profit du délai de paiement de droit commun.

Réponse :

I. Des délais de paiement sont définis strictement pour chaque secteur bénéficiant de dérogations

Les délais de paiement dérogatoires prévus à l’article D. 441-5-1 du code de commerce sont définis strictement.

En fonction des secteurs, les délais de paiement dérogatoires applicables sont fixés soit en nombre de jours fin de mois à compter de la date d’émission de la facture, soit en nombre de jours à compter de la date d’émission de la facture, soit en laissant aux parties le choix de l’une ou l’autre possibilité. Le délai maximum « nombre de jours fins de mois à compter de la date d’émission de la facture » peut se calculer des deux manières suivantes :

  • date de facture à laquelle on ajoute le nombre de jours défini et échéance en fin de mois,
  • date de la fin du mois au cours duquel la facture a été émise à laquelle on ajoute le nombre de jours défini.

Ainsi, en ce qui concerne par exemple le secteur de la filière du cuir, pour les ventes entre les fournisseurs et les distributeurs spécialisés, le III prévoit que « le délai de paiement convenu par les parties ne peut dépasser 54 jours fin de mois à compter de la date d'émission de la facture. » S’agissant du secteur de l'horlogerie, de la bijouterie, de la joaillerie et de l'orfèvrerie, le IV du même article offre deux possibilités de computation des délais de paiement maximum puisqu’il prévoit que « le délai de paiement convenu par les parties ne peut dépasser 59 jours fin de mois ou 74 jours nets à compter de la date d'émission de la facture. ». En revanche, pour le secteur du commerce du jouet, les délais de paiement maximum fixés par les textes sont calculés uniquement en nombre de jours nets à compter de la date d’émission de la facture.

S’agissant du secteur de l’agroéquipement, la réglementation définit clairement les délais de paiement maximum devant être respectés en nombre de jours à compter de la fin du mois au cours duquel la facture a été émise. Il n’y a donc aucune ambiguïté sur les règles applicables.

II. Toute modification éventuelle du mode de calcul des délais de paiement ne doit pas avoir pour conséquence un possible allongement de ceux-ci

Les parties peuvent convenir contractuellement d’un délai de règlement plus court que le délai maximum prévu par la législation en vigueur, mais en aucun cas de délais plus longs. Ainsi, pour chaque facture émise le délai de règlement mentionné doit être fixé en fonction du délai de paiement maximal prévu pour le produit ou le service concerné.

Or, il s’avère qu’un délai de paiement maximal de 70 jours nets à compter de la date d’émission de la facture peut s’avérer dans certains cas plus long qu’un délai de 55 jours fin de mois à compter de la date d’émission de la facture. Par exemple, une facture émise le 31 mai devrait être payée au plus tard le 9 août dans la première hypothèse au lieu du 31 juillet dans la seconde hypothèse (échéance correspondant au mode de computation « date de facture + 55 jours + fin de mois » qui aboutit à une date limite de paiement plus tardive que le mode de computation « date de facture + fin de mois + 55 jours »).

Par conséquent, il n’apparait pas possible pour les parties de convenir d’un délai maximal de 70 jours à compter de la date d’émission de la facture pour le paiement de matériels d’entretien d’espaces verts, ou de 125 jours fin de mois à compter de la date d'émission de la facture pour les matériels agricoles. En effet, bien que réglées dans le respect de l’échéance contractuellement prévue, certaines factures pourraient l’être dans un délai dépassant le plafond maximal règlementaire applicable.

III. La CEPC ne peut pas autoriser des dérogations a la législation en vigueur

Le législateur a prévu le principe de délais de paiement dérogatoires, fixés par décret, dans certains secteurs présentant un caractère saisonnier particulièrement marqué, pour lesquels les délais convenus de droit commun ne s’appliquent donc pas. Dès lors et en tout état de cause, il ne revient pas à la CEPC d’autoriser les opérateurs à déroger à la législation existante et de modifier les délais de paiement maximaux applicables à leur secteur d’activités et strictement définis par le législateur.

En conclusion, les délais de paiement maximum fixés à l’article D. 441-5-1 du code de commerce pour le secteur de l’agroéquipement doivent être respectés par les opérateurs dans tous les cas de figure, quelle que soit la date d’émission de la facture, le mode de calcul utilisé, ainsi que les délais mentionnés au contrat. Bien entendu, les parties peuvent prévoir des délais de paiement inférieurs aux délais maximum prévus par la réglementation.

Délibéré et adopté par la Commission d’examen des pratiques commerciales en sa séance plénière du 25 octobre 2018, présidée par Monsieur Daniel TRICOT

Fait à Paris, le 25 octobre  2018,
Le vice-président de la Commission d’examen des pratiques commerciales

Daniel TRICOT