QUESTION CEPC 10010701
Pénalités de retard-champ d’application : L’article L 441-6 dixième alinéa in fine du code de commerce qui prévoit que « les pénalités de retard sont exigibles sans qu’un rappel soit nécessaire » s’applique-t-il à des sociétés civiles immobilières ou de construction de vente ?
REPONSE
La réponse est oui : l’article L. 441-6, 10ème alinéa du code de commerce est certainement applicable aux activités économiques exercées par les sociétés civiles immobilières et par les société de construction-vente.
L’article L.441-6 du code de commerce dispose
(alinéa 1): Tout producteur, prestataire de services,grossiste ou importateur est tenu de communiquer ses conditions générales de vente à tout acheteur de produit ou tout demandeur de prestation de services qui lui en fait la demande pour une activité professionnelle. Celles-ci constituent le socle de la négociation commerciale. Elles comprennent : les conditions de vente; le barème des prix unitaires; les réductions de prix; les conditions de règlement”.
(...)
(alinéa 10): Les conditions de règlement doivent obligatoirement préciser les conditions d’application et le taux d’intérêt des pénalités de retard exigibles le jour suivant la date de règlement figurant sur la facture dans le cas où les sommes dues sont réglées après cette date. Sauf disposition contraire qui ne peut toutefois fixer un taux inférieur à trois fois le taux d’intérêt légal, ce taux est égal au taux d’intérêt appliqué par la BCE à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage. Les pénalités de retard sont exigibles sans qu’un rappel soit nécessaire”.
On sait que l’obligation de prévoir des pénalités de retard à compter du lendemain de l’échéance et sans qu’un rappel soit nécessaire a été instituée par la directive 2000/35/CE du 29 juin 2000 concernant la lutte contre le retard de paiement (M.P. Wagner, Pénalités de retard, encore des interrogations, Dalloz 2004, p. 2634), introduite en droit interne par la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 dite NRE. Cette obligation avait été créée, en France, par la loi n° 92-1442 du 31 décembre 1992 relative aux délais de paiement dans les entreprises et figurait à l’origine à l’article 33 de l’ordonnance du 1er décembre 1986, prévoyant son application “dans le cas où les sommes dues sont versées après la date de paiement figurant sur la facture, lorsque le versement intervient au-delà du délai fixé par les conditions générales de vente”.
Les dispositions de l’article L. 441-6 du code de commerce sont impératives et ne peuvent être écartées par une clause des conditions générales ou particulières.
Dans un arrêt du 3 mars 2009 (chambre commerciale, société Eurovia Bourgogne c/ société Sophora-Fit, Bull. 31, pourvoi n° 07 16527), la Cour de cassation a relevé que les dispositions de l’article L. 441-6 du code de commerce dans leur rédaction issue de la loi NRE du 15 mai2001 applicable en l’espèce, “qui répondent à des motifs impérieux d’ordre public, sont applicables dès la date d’entrée en vigueur de ce texte, aux contrats en cours”, ajoutant que “les pénalités de retard prévues par ce texte pour non-paiement des factures sont dues de plein droit, sans qu’un rappel soit nécessaire et même si elles n’ont pas été indiquées dans les conditions générales de vente”.
Quel est le champ d’application de ces dispositions ?
On rappellera que le Titre 4 du code de commerce, intitulé “De la transparence, des pratiques restrictives de concurrence et d’autres pratiques prohibées", et dans lequel figure cet article, est lui-même inclus dans le Livre IV du code de commerce, “De la liberté des prix et de la concurrence”. Le champ d’application des dispositions du Livre IV, défini par l’article L. 410-1 du code de commerce (ancien article 53 de l’ordonnance du 1er décembre 1986) dans un Titre premier intitulé “Dispositions générales”, est très large, puisqu’il précise que “les règles définies au présent livre s’appliquent à toutes les activités des production, de distribution et de services, y compris celles qui sont le fait de personnes publiques, notamment dans le cadre de conventions de délégation de service public”.
Ces dispositions ont une portée générale : le régime juridique sous lequel s’exerce l’activité, de même que le caractère non lucratif de cette activité, ne sont pas de nature à exclure leur application dès lors qu’il s’agit d’une activité économique de production, de distribution ou de services (jurisprudence bien établie : voir par ex., pour des mutuelles -Com. 21 octobre 1997, Bull. 270-, des organisations syndicales -Com. 15 janvier 2002, Bull. 15-, des ordres professionnels -Paris, 13 novembre 2002, CCC 2003, n° 41). Tel est bien le cas de société civiles immobilières ou de construction-vente, qui exercent une activité économique en dépit de leur régime de droit civil.
On notera que, s’agissant des conditions générales de vente, ce champ d’application est défini dans des termes plus restrictifs.
L’article L.441-6 du code de commerce, qui définit les règles applicables aux conditions générales de vente, précise en effet que les bénéficiaires de l’obligation de transparence doivent être des “acheteurs de produits ou demandeurs de prestations de services qui en font la demande pour une activité professionnelle”.
Cette définition exclut les cocontractants non professionnels, et notamment les consommateurs. Les règles destinées à leur protection (publicités sur les prix) sont fixées à l’article L. 441-1 du code de commerce par renvoi aux dispositions de l’article L. 113-1 du code de la consommation, dont les termes sont reproduits à l’article L. 441-2 du code de commerce.
Régime fiscal
Aux termes de l’article 237 sexies alinéa 1er du code général des impôts, modifié par la loi n° 2004-1484 du 30 décembre 2004 (article 35 JORF 31 décembre 2004), les produits et charges correspondant aux pénalités de retard mentionnées aux articles L. 441-3 et L. 441-6 du code de commerce sont respectivement rattachés, pour la détermination du résultat imposable à l’impôt sur le revenu ou à l’impôt sur les sociétés, à l’exercice de leur encaissement et de leur paiement.
Délibéré et adopté par la Commission d’examen des pratiques commerciales en sa séance plénière du 7 janvier 2010, présidée par le vice-président M. Daniel TRICOT.
Fait à Paris, le 7 janvier 2010
Le Président de la Commission
d’examen des pratiques commerciales
Daniel TRICOT