Avis n° 07-01 relatif à l'encadrement de la différenciation tarifaire tel que prévu par l'article 41 de la loi du 2 août 2005 en faveur des PME.

La Commission d’examen des pratiques commerciales,

Vu la lettre enregistrée le 29 mai 2006 sous le numéro 06-006, par laquelle le directeur général de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes lui demande de rendre un avis sur la manière dont pourrait être organisé l'encadrement de la différenciation tarifaire tel que prévu par l'article 41 de la loi en faveur des PME, en mettant notamment en évidence les différentes modalités possibles de détermination des catégories d'acheteurs de produits ou de demandeurs de prestations de services dans chacun des cas envisagés par la loi ;

Vu l'article L.440-1 du code de commerce ;

Vu le décret n° 2001-1370 du 31 décembre 2001 portant organisation de la Commission d'examen des pratiques commerciales, modifié par le décret n° 2002-1370 du 21 novembre 2002 ;

Vu le rapport ci-annexé établi par le Professeur Michel GLAIS et par Maître Francis DELBARRE ;

Adopte l'avis suivant :

‑  La Commission d'Examen des Pratiques Commerciales rappelle que les dispositions du livre IV du titre IV du Code de commerce prescrivent notamment, d'une part, des règles de transparence assorties de sanctions pénales qui régissent en particulier les conditions générales de vente et, d'autre part, des règles de non-discrimination qui permettent la différenciation tarifaire.

En ce sens, il est admis depuis de nombreuses années que la différenciation tarifaire est possible sans tomber dans la discrimination abusive dès lors que le traitement différencié adopté par un opérateur économique est justifié par une contrepartie réelle.

‑  Elle rappelle également que si la jurisprudence a retenu l'obligation pour un fournisseur de communiquer ses CGV aux acheteurs qui en font la demande, elle a posé une exception à cette obligation en considérant qu'un fournisseur n'a pas à communiquer ses CGV à ses propres concurrents.

‑  Elle constate que la loi du 2 août 2005 en faveur des PME prévoit, désormais, une autre exception à l'obligation de communication de ses CGV, en disposant qu'un fournisseur n'a pas à communiquer à une catégorie de clients, des CGV destinées à une autre catégorie de clients.

‑  Elle rappelle que l'avis de la Commission d'Examen des Pratiques Commerciales est sollicité sur la manière dont pourrait être organisé l'encadrement de la différenciation tarifaire tel que prévu par l'article 41 de la loi en faveur des PME, en mettant notamment en évidence les différentes modalités possibles de détermination des catégories d'acheteurs de produits ou de demandeurs de prestations de services dans chacun des cas envisagés par la loi.

Il apparaît que la diversité des situations économiques dans lesquelles sont placés les acheteurs peut justifier qu'un vendeur établisse des CGV différenciées selon certaines catégories de clients qui ne se trouvent pas en concurrence, la communication de ces conditions étant réservée aux seuls distributeurs concernés.

Au vu du rapport ci- annexé, il est précisé que l'article 41 de la loi en faveur des PME prévoit que les conditions dans lesquelles sont définies ces catégories sont fixées par voie réglementaire en fonction notamment du chiffres d'affaires, de la nature de la clientèle et du mode de distribution. Ainsi, un décret pourrait, soit énumérer les catégories de clients pour lesquelles l'information peut être cloisonnée, soit définir les conditions auxquelles doit satisfaire une catégorisation d'acheteurs.

Énumérer des catégories de clients présenterait l'avantage de donner aux entreprises une certaine sécurité juridique (sécurité toutefois bornée par le droit des ententes ). Cette solution impliquerait, cependant, de vérifier tout d'abord que ces catégories ne sont pas en concurrence entre elles. Elle présenterait, en outre, plusieurs inconvénients. Établir une liste de catégories d'acheteurs ne pourrait, en effet, prétendre à l'exhaustivité tant il existe de situations nombreuses, différentes et complexes. Cette solution conduirait, également, à introduire des rigidités dans un domaine et à une époque où tant les modes de distribution que les fonctions économiques évoluent dans le temps et où l'on prône la souplesse commerciale.

L'élaboration d'un décret se limitant à définir les conditions de la catégorisation trouverait, certes, sa légitimité économique dans la prise en considération de ce qui justifie fondamentalement la notion de différenciation : l'existence de différences dans les demandes des consommateurs et la reconnaissance de celles-ci par les acteurs de la distribution.

L'élaboration d'un tel décret s'exposerait toutefois à la critique en ce qu'il ne respecterait pas le principe de légalité qui exige que le champ d'application des infractions comme des immunités à la loi pénale soit exprimé en termes clairs et précis de manière à exclure tout arbitraire.

Or, il n'y a aucune raison déterminante à ainsi sanctionner pénalement les pratiques discriminatoires dans les seuls cas où elles sont explicitées par des conditions catégorielles de vente et de déroger, ainsi, au principe énoncé par la loi (article L.442-6 § I.1° du Code de commerce) selon lequel les discriminations relèvent de sanctions civiles. Ce principe mérite de rester de portée globale, les poursuites pénales ne s'appliquant qu'aux refus de communications des conditions de ventes, ‑ qu'elles soient générales ou catégorielles ‑, qui seraient opposés à certains clients potentiels, se trouvant en situation de concurrence par rapport aux autres destinataires de ces documents (article L.441-6 du Code de commerce). 

Il résulte, ainsi, de l'examen auquel la commission a procédé de la question qui lui a été soumise que les décrets qui seraient susceptibles d'être pris en application de l'article 41 de la loi en faveur des PME n'apparaissent pas apporter la sécurité juridique nécessaire aux opérateurs économiques, ni souhaitable économiquement.

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Compte tenu de ces observations, la Commission formule la recommandation suivante qui vise à répondre à plusieurs objectifs : garantir une bonne qualité des textes réglementaires, fournir une plus grande sécurité juridique aux pratiques qui seront mises en oeuvre par les opérateurs économiques, aller dans le sens du progrès économique.

Afin de répondre à la question posée un réexamen de l'ensemble du dispositif prévu au livre IV du titre IV du code de commerce est nécessaire. Celui-ci porterait notamment sur la façon d'articuler, en vue de leur mise en cohérence, les dispositions de l'article 41 de la loi PME avec les autres dispositions législatives du livre IV du titre IV du code de commerce, qui font référence à d'importants principes comme celui de la transparence, de la non-discrimination abusive ou encore de la pénalisation. Cette question allant ainsi au delà de l'examen du seul article 41 de la loi en faveur des PME, elle doit, dès lors, être abordée à l'occasion de la réflexion qui doit s'engager pour son évaluation, telle que prévue à son article 57.

Plusieurs orientations pourraient alors être envisagées qui supposent toutes une modification de la loi en faveur des PME :

Suppression de l'interdiction per se des pratiques discriminatoires qui ne seraient plus sanctionnables que lorsqu'elles constituent un abus de puissance de vente ou d'achat, de dépendance économique, de position dominante ou une entente. Les règles de transparence pourraient être renforcées (communication intégrale des CGV) ou maintenues telles quelles (communication aux seuls clients concernés). Dans l'un et l'autre cas, elles pourraient être assorties de sanctions pénales ou uniquement civiles.

Intégration dans la loi des conditions dans lesquelles sont définies les catégories de clients à savoir l'absence de concurrence entre les clients de catégories différentes assortie ou non d'une dépénalisation des sanctions en cas de non-respect de l'obligation d'information au profit de sanctions prononcées par le juge civil.

Renonciation à la disposition relative aux CGV différenciées.

Eu égard à ces perspectives, et aux très importantes difficultés s'opposant d'ores et déjà à une rédaction satisfaisante d'un décret d'application de l'article 41 de la loi du 2 août 2005, il est préférable de renoncer à la préparation d'un tel texte.

Délibéré et adopté par la Commission d'examen des pratiques commerciales en ses séances plénières des 18 décembre 2006, 19 février et 12 avril 2007, présidées par M. Pierre LECLERCQ.

Fait à Paris , le 12 avril 2007

Le Président de la Commission

d’examen des pratiques commerciales

Pierre LECLERCQ