Chapitre 4 : Formalisme des autorisations
L’autorisation d’utiliser les contenus protégés est donnée par le titulaire des droits via un contrat (tels que les marchés publics pour les personnes publiques) moyennant paiement (sous forme de redevance le plus souvent) ou à titre gratuit dans certains cas.
Toute exploitation ou modification d’un contenu protégé doit être prévue et autorisée en amont, y compris si celle-ci est sans but lucratif.
Deux types de contrats existent :
• cession de droit : le titulaire des droits cède tout ou partie des droits de PI au bénéfice du cessionnaire.
• concession (ou licence) : le concessionnaire ou le licencié bénéficie d’un droit d’usage sous une forme plus ou moins large, définie dans le contrat.
Les contrats peuvent être passés au cas par cas.
Le formalisme décrit ci-dessous devra être respecté :
• nécessité d’un écrit ;
• le cas échéant, la rémunération devra comporter la participation proportionnelle aux recettes issues de la vente ou de l’exploitation, au profit de l’auteur, ou être évaluée forfaitairement dans les cas expressément prévus à l’art. L. 131-4
CPI. La gratuité est possible si elle est clairement autorisée par le titulaire des droits ;
• identification claire de l’œuvre concernée (le sort des versions à venir devra, par exemple, être précisé) ;
• nature et étendue des droits cédés : énumération des droits cédés (représentation, reproduction, droits dérivés), durée, étendue géographique, supports, mode de diffusion, destination.
En effet, la durée, le lieu, les droits cédés, les supports et les modes d’exploitation doivent être précisés et faire l’objet d’une mention distincte. à peine de nullité.
La cession globale des œuvres futures est prohibée (CPI, art. L. 131-3), l’œuvre doit être au minimum identifiée ou identifiable.
Le contrat devra prévoir l’ensemble des supports et modes d’exploitation envisagés. Tout ce qui n’est pas prévu n’est pas autorisé. Attention également aux formules très larges et floues, le juge pourra décider (dans l’optique de la protection des auteurs cessionnaires de leurs droits) qu’une telle clause, trop imprécise, n’est pas valable.
Exemple : « On entend notamment par supports, le papier, les supports numériques et analogiques (internet, CD-ROM, DVD-ROM, etc.) », qu’il conviendra de lister précisément. En effet, la clause précisant que les droits sont cédés « pour tous supports connus ou inconnus à ce jour » pourra être considérée comme invalide par le juge. L’évolution des technologies et le développement de nouveaux supports numériques rendent cette exigence légale de formalisme d’autant plus difficile à mettre en œuvre.
Le caractère exclusif d’une cession dépossède l’auteur de ses droits patrimoniaux au bénéfice du cessionnaire. L’auteur ou le titulaire des droits ayant cédé ses droits de propriété intellectuelle à titre exclusif ne pourra plus les exploiter de quelque manière que soit, ni même autoriser ou interdire l’usage de son œuvre ou de son contenu.
Pour les marchés de prestations intellectuelles et les marchés informatiques, les chapitres 5 du CCAG PI et 7 du CCAG TIC consacrés au régime juridique des droits privatifs attachés aux résultats permettent de sécuriser l’exploitation des résultats du marché grevés de propriété intellectuelle.
Dans le cadre de ces CCAG, l’administration devra opter pour l’une des deux options prévues :
• L’option A, applicable par défaut, prévoit que le titulaire du marché concède au pouvoir adjudicateur des droits d’utilisation des résultats pour les besoins que ce dernier aura définis ou découlant de l’objet du marché.
• L’option B prévoit la cession exclusive des droits d’exploitation des résultats au pouvoir adjudicateur. Cette option devra être obligatoirement complétée dans les documents particuliers du marché à peine de nullité.
En tout état de cause, ces deux options ne constituent qu’un cadre générique qu’il conviendra d’adapter dans les documents particuliers du marché pour répondre au besoin de l’administration.
Bon réflexe : Pour pouvoir utiliser un contenu protégé par le droit d’auteur réalisé dans le cadre d’un marché public, il conviendra d’obtenir les autorisations nécessaires par une cession ou une concession de droits adaptée aux besoins de l’administration au sein du CCAP concerné.
Bon réflexe : Pour mettre en open data ou sous licence libre des contenus protégés par le droit d’auteur réalisés dans le cadre d’un marché public, il conviendra de bien le prévoir dans le CCAP concerné.
Dans ce cas, le titulaire des droits a choisi d’autoriser en amont et de manière générale l’utilisation des œuvres ou contenus protégés par une licence type (exemples : licences libres type GPL, GNU ou CECILL - pour les logiciels -, licence Creative Commons…).
Attention : une licence libre constitue également un contrat (sous forme de conditions générales d’utilisation) qu’il conviendra de respecter strictement. Une licence libre ne signifie pas systématiquement que toute utilisation est possible.
Bon réflexe : il convient de bien vérifier les droits effectivement accordés par la licence et les usages autorisés.
La formule « tous droits réservés » vient de la culture anglo-saxonne du copyright. Il s’agit d’une expression permettant d’indiquer que des contenus (images, illustrations, ensemble d’un site internet…) sont protégés par le droit d’auteur. Cette mention n’est ni obligatoire, ni créatrice de droit (elle ne renforce en aucun cas une protection par le droit de la propriété intellectuelle).
De manière générale, on retrouve cette formule sur des photographies, sur les pages d’un site Internet ou par exemple à la fin d’un document type brochure ou publication.
Elle est généralement complétée d’informations plus détaillées sur le nom de l’auteur ou l’adresse de la personne à contacter pour toute demande d’autorisation d’usage.
Dans le cas d’usage de photographies ou d’illustrations, il convient de prévoir les crédits adaptés.
Ainsi, il est d’usage d’indiquer une mention de ce type attachée à chaque photo, à adapter en fonction de la réalité de la titularité des droits :
« © [nom du photographe et/ou nom de la personne publique] – Tous droits réservés – [date de la publication] »
La personne publique pourra également souhaiter mentionner des contributeurs autres que les photographes, par exemple dans le contexte de la réalisation d’un site internet ou d’une brochure.
Exemple : conception graphique par [Nom de prestataire].
Le symbole © n’a pas de valeur particulière en France. Toutefois, son apposition au dos d’une brochure par exemple, accompagnée du millésime, constitue un signe évocateur et compréhensible pour le public.
Cette information peut également être traduite par l’expression « Tous droits réservés ». En tout état de cause, ce signe n’a pas vocation à figurer en association avec des contenus constituant des informations publiques au sens de la loi du 17 juillet 1978.
Concernant les marques et logos, les symboles TM ou ®, signalant qu’une marque est déposée, relèvent du droit anglo-saxon et n’ont pas de valeur juridique particulière en France. Cette information peut prendre la forme d’une mention spécifique dans l’encart informatif, telle que par exemple : « Ce document / site internet contient des marques et logos déposés. Leur utilisation est interdite sans autorisation préalable.»
L’auteur est titulaire d’un droit à la paternité (une des prérogatives du droit moral) qui lui permet d’exiger que son nom soit toujours associé à son œuvre.
La mention du nom de l’auteur est bien obligatoire, même si parfois quelques aménagements sont tolérés, notamment pour certains usages.
Exemple : Il sera difficile de faire apparaître le nom de l’auteur d’une musique utilisée dans un spot publicitaire.
Créées en 2001 aux États-Unis dans le but d’encourager la circulation des œuvres de manière simple et licite et de promouvoir l’échange et la créativité, les licences Creative Commons (CC) ont rapidement acquis une renommée et une audience considérables.
Présentation des licences Creative Commons
Champ d’application : les contenus protégés par le droit d’auteur
Les licences CC sont principalement utilisées pour des contenus en ligne, dans divers domaines, notamment :
• musique et photos ;
• blogs ;
• textes, informations, éducation et recherche ;
Finalités
Les objectifs recherchés par l’organisation américaine à but non lucratif Creative Commons :
• faciliter le partage des œuvres tout en conservant un cadre légal ;
• sortir de la logique d’un contrôle de l’utilisation des œuvres sans remettre en cause le principe des droits d’auteur.
Un impact international
Médiatisées et largement utilisées, une traduction des licences a été entreprise dans différents pays.
En France, l’antenne CC est le CERSA(1). La traduction des licences en français, opérée en 2004, a nécessité des aménagements pour assurer la compatibilité des licences avec le droit français.
Les licences CC ont été pensées et élaborées dans un contexte de common law où règne la notion de copyright, pouvant parfois se différencier du droit d’auteur français.
Les licences CC reposent sur l’utilisation de quatre critères à combiner. Le critère de la paternité se retrouve dans toutes les licences.
Paternité : l’œuvre peut être librement utilisée, à condition de l’attribuer à son auteur en citant son nom.
Pas d’utilisation commerciale : le titulaire de droits peut autoriser tous les types d’utilisation ou au contraire restreindre aux utilisations non commerciales (les utilisations commerciales restant soumises à son autorisation).
Pas de modification : le titulaire de droits peut continuer à réserver la faculté de réaliser des oeuvres de type dérivées ou au contraire autoriser à l’avance les modifications, traductions...
Partage à l’identique des conditions initiales : à la possibilité d’autoriser à l’avance les modifications peut se superposer l’obligation, pour les oeuvres dites dérivées, d’être proposées au public avec les mêmes libertés (sous les mêmes options Creative Commons) que l’oeuvre originelle.
Source : http://creativecommons.org/
À partir de la combinaison de ces critères, six licences ont été mises en place. Elles permettent aux auteurs de mettre leurs œuvres à disposition du public en lui accordant par avance et sous certaines conditions, à titre gratuit, l’autorisation non exclusive de reproduire, distribuer et communiquer l’œuvre au public :
• la licence paternité : licence autorisant toute utilisation de l’œuvre, y compris commerciale, ainsi que la modification ;
• la licence paternité – partage des conditions à l’identique : l’œuvre peut être utilisée dans le cadre d’une activité commerciale et être modifiée mais l’œuvre modifiée doit être distribuée sous une licence identique ;
• la licence paternité – pas d’utilisation commerciale : la modification est autorisée mais seule l’utilisation non commerciale est permise ;
• la licence paternité – partage des conditions à l’identique – pas d’utilisation commerciale : sont permises les modifications et l’utilisation non commerciale mais l’œuvre modifiée doit être distribuée sous une licence identique ;
• la licence paternité – pas de modification : l’œuvre ne peut être modifiée mais peut être utilisée dans le cadre d’une activité commerciale ;
• a licence paternité – pas d’utilisation commerciale – pas de modification : licence restrictive ne permettant ni la modification ni l’utilisation commerciale.
(1) Le CERSA (Centre d’Étude et de Recherches en Sciences Administratives et politiques), unité mixte de recherche placée sous la tutelle de l’université Paris II et du CNRS, a pour vocation l’étude des phénomènes administratifs.
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Droit d'auteur, droit à l'image
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