Chapitre 2 : Les œuvres de l'esprit et le droit d'auteur (en général)
L’article L. 112-1 du CPI prévoit que ses dispositions protègent les droits des auteurs sur toutes les œuvres de l’esprit, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination.
Les œuvres de l’esprit ne sont pas définies précisément par la loi. Le Code de la propriété intellectuelle fournit simplement une liste non exhaustive de créations susceptibles de protection dans son article L.112-2. Ainsi, les contenus suivants sont susceptibles de protection :
- les œuvres architecturales et picturales (bâtiments, commande d’œuvres…) ;
- les logos ;
- les logiciels ;
- les bases de données ;
- les études et expertises ;
- les photos et vidéos (images réalisées ou utilisées par les personnes publiques notamment dans le cadre de leur communication, illustration des sites internet ou plaquettes d’information, photothèques et vidéothèques des ministères…) ;
- les créations graphiques (chartes graphiques, contenus éditoriaux…).
À partir de la liste non exhaustive dressée au sein du Code de la propriété intellectuelle et de l’analyse de la jurisprudence, il est possible de dégager des critères de protection d’un contenu par le droit d’auteur :
- exigence d’une création qui se matérialise par une forme perceptible au sens (les idées non formalisées ne sont pas protégées) ;
- le critère jurisprudentiel de l’originalité : « l’empreinte de la personnalité de son auteur », « si l’auteur a pu exprimer ses capacités créatives lors de la réalisation de l’œuvre en effectuant des choix libres et créatifs », quels que soient la forme d’expression, le mérite, le genre ou la destination.
Les contenus numériques sont susceptibles de protection par le droit d’auteur dès lors qu’ils peuvent recevoir la qualification d’œuvre de l’esprit.
Les idées étant de libre parcours, elles échappent à toute appropriation. Les actes officiels, les textes légaux ou réglementaires, les travaux préparatoires et instructions administratives, les réponses ministérielles, les décisions de justice, ne sont pas couverts par le droit d’auteur.
Les discours publics et informations d’actualité peuvent être diffusés, même intégralement, sans autorisation préalable de l’auteur (CPI, art. L. 122-5, 3°).
Une fois le caractère « d’actualité » passé, les règles habituelles du droit d’auteur (notamment l’obtention de l’autorisation de l’auteur) s’appliquent à nouveau.
Les règles nationales du droit de la propriété intellectuelle prennent appui sur des conventions internationales (notamment la Convention de Berne de 1886 et la Convention de Genève de 1952) qui viennent harmoniser les grands principes relatifs à la protection des œuvres de l’esprit et des droits des auteurs.
Pour les pays signataires de ces conventions, l’auteur étranger sera assimilé à un national et bénéficiera de la même protection que celui-ci, sauf si la législation en vigueur est inférieure au minimum conventionnel. Dans ce cas, les dispositions de la convention de Berne viendront s’appliquer en « complément » de la loi locale. La protection est indépendante de l’existence de la protection dans le pays d’origine de l’œuvre.
À noter : En vertu du système dit de « comparaison des délais », les États ont la possibilité d’allonger la durée de la protection au-delà du minimum prescrit par la convention. Or, si une œuvre cesse d’être protégée dans le pays d’origine, sauf disposition contraire de la loi nationale, la protection n’ira pas au-delà de cette durée.
Le titulaire de droits est la personne morale ou physique qui détient le droit d’autoriser ou d’interdire l’usage quel qu’il soit de l’œuvre protégée par des droits de propriété intellectuelle.
L’auteur est la personne physique à l’origine de la création. Il peut être distinct du titulaire des droits, par exemple :
- lorsque l’auteur a cédé les droits patrimoniaux attachés à l’œuvre, le titulaire des droits est le cessionnaire de ces droits ;
- dans le cas d’une œuvre collective, le titulaire des droits sur l’œuvre collective est la personne physique ou morale à l’initiative de l’œuvre ;
- dans le cas d’un contrat conclu avec un prestataire qui a recours à un salarié pour réaliser la prestation, le prestataire personne morale sera le titulaire des droits (cessionnaire) si l’auteur-salarié lui aura préalablement cédé ses droits.
Dans tous les cas, le titulaire du droit moral sera toujours l’auteur personne physique. En effet, le droit moral est incessible, imprescriptible et perpétuel.
La propriété matérielle d’une œuvre n’emporte pas de facto cession des droits d’auteur. Avant tout usage d’une œuvre par la personne publique ou par tout tiers, il conviendra de vérifier les points suivants :
- qui est titulaire des droits en cause ?
- si le titulaire des droits n’est pas la personne publique, celle-ci dispose-t-elle d’une autorisation d’usage donnée par le titulaire de droits, a minima pour ses propres besoins ? si non : il faudra l’obtenir en fonction des besoins ; si oui : de quels droits dispose la personne publique au regard de cette autorisation ou cession de droits ? (attention : l’autorisation donnée par l’auteur devra respecter le formalisme de la cession des droits).
En pratique
- La gratuité et le caractère non commercial de l’utilisation ou de l’activité de l’utilisateur ne dispensent pas du respect des règles du droit de la propriété intellectuelle.
- Aussi, sous réserve de certaines exceptions, l’autorisation d’exploiter y compris à titre gratuit, des contenus protégés doit être recueillie auprès de chaque auteur. Dans le cadre d’un marché public, l’autorisation doit être recueille auprès du prestataire qui est titulaire des droits d’auteur.
● Principe
L’article L. 111-1 du CPI prévoit expressément que l’agent public dispose d’un droit de propriété incorporelle sur l’œuvre de l’esprit dont il est l’auteur.
● Limites
L’article L. 121-7 du CPI prévoit un droit moral atténué pour les agents publics ayant créé une œuvre de l’esprit dans le cadre de leurs fonctions.
- Le droit de divulgation s’exerce dans le respect des règles auxquelles il est soumis en sa qualité d’agent et de celles qui régissent l’organisation, le fonctionnement et l’activité de la personne publique qui l’emploie.
- L’agent ne peut s’opposer à la modification de l’œuvre décidée dans l’intérêt du service (sauf atteinte à son honneur ou à sa réputation).
- Limitation forte du droit de repentir ou de retrait.
L’article L. 131-3-1 du CPI prévoit la cession automatique des droits de l’auteur-agent, dans la mesure strictement nécessaire à l’accomplissement d’une mission de service public pour l’exploitation d’une œuvre créée dans le cadre de l’exercice de ses fonctions ou d’après les instructions reçues. Les droits sont alors cédés, dès la création et de plein droit à l’État. L’État dispose d’un droit de préférence pour les exploitations commerciales.
L’État ne peut disposer de son droit de préférence pour le cas des activités de recherche scientifique d’un établissement public à caractère scientifique et technologique (EPCST) ou d’un établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel (EPCSCP) lorsque ces activités font l’objet d’un contrat avec une personne morale de droit privé.
La cession automatique des droits ne s’applique pas aux agents auteurs d’œuvres dont la divulgation n’est soumise, en vertu de leur statut ou des règles qui régissent leurs fonctions, à aucun contrôle préalable de l’autorité hiérarchique (dernier alinéa de l’art. L111-1 du CPI).
Cette disposition concerne a priori, selon la doctrine et conformément aux travaux préparatoires de la loi du 1er août 2006, relative « au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information » (DADVSI) : les professeurs d’universités, les enseignants chercheurs, les conservateurs de musées, les commissaires du Gouvernement auprès des juridictions administratives, et plus généralement « les agents qui disposent dans leurs fonctions d’une grande autonomie intellectuelle, voire d’une indépendance de jugement, même si celle-ci s’inscrit dans une hiérarchie ».
Le Code de la propriété intellectuelle prévoit deux axes possibles d’usage des œuvres à titre gratuit :
- article L. 122-7 CPI : « Le droit de représentation et le droit de reproduction sont cessibles à titre gratuit ou à titre onéreux. »
- article L.122-7-1 CPI : « L’auteur est libre de mettre ses œuvres gratuitement à la disposition du public, sous réserve des droits des éventuels coauteurs et de ceux des tiers, ainsi que dans le respect des conventions qu’il a conclues. »
La jurisprudence (1) admet que la cession des droits puisse être à titre gratuit, à la condition que la renonciation à la rémunération soit claire et librement consentie par l’auteur.
(1) CA Paris, 25 nov. 2005, Communication Commerce électronique, 2006, Commentaire. 40, note Ch. Caron. Cet arrêt précise que l’auteur est libre de renoncer à sa rémunération « si du moins, il a une claire conscience de ce qu’il cède à titre gratuit ». À défaut, la renonciation à la rémunération pourrait être annulée sur le fondement des vices du consentement.
Pour le droit d’auteur, l’article L. 122-4 du CPI prévoit que « toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite. Il en est de même pour la traduction, l’adaptation ou la transformation, l’arrangement ou la reproduction par un art ou par un procédé quelconque ». Un tel acte est constitutif de contrefaçon. D’autres textes prévoient des dispositions du même type pour la contrefaçon en matière de propriété industrielle.
Le titulaire des droits d’auteur sur une œuvre reproduite sans autorisation peut demander non seulement le retrait du contenu dont il est l’auteur, mais aussi l’allocation de dommages et intérêts. Il est possible de régler ces conséquences à l’amiable. Toutefois, en cas d’action en justice, les sanctions peuvent être celles prévues par le CPI en cas de contrefaçon (sanction pénale ou civile) ou celles relevant des dispositions du droit commun : parasitisme, concurrence déloyale, etc.
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Droit d'auteur, droit à l'image
à l'ère du numérique
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