- Bonjour Mélanie Joder.
- Bonjour Christophe.
- C'est très sympa de trouver du temps parce que franchement, le budget, on a rarement le temps de souffler parce que soit, le budget,on le prépare, on le présente,on le discute, on l’exécute.
- Voilà, c'est ça.
- Et donc c'est toute l'année, tout le temps.
- On peut dire que vous et votre direction, vous êtes vraiment au cœur d'un objet, d'un sujet : le budget qui fait la une.
- Tout le monde en parle et de plus en plus alors on a trouvé que c'était vraiment intéressant que vous,qui êtes à la manœuvre, vous parliez et on attend ça avec impatience. Mais avant, si vous voulez bien qu'on en parle, je voudrais une petite question personnelle. Ce sera la seule. Je crois savoir que votre premier contact avec les finances publiques,avec l'argent de l'État, c'était sur les bancs de l'école et pas l’ENA, un petit peu avant.
- Un petit peu avant.
- Vous en souvenez ?
- Oui, je m'en souviens très bien.
- Ça remonte au bicentenaire de la Révolution française de 1989. Et à l'époque, moi,j'étais donc à l'école élémentaire et on avait eu la visite de membres du ministère. Je ne sais pas du tout à quelle direction ils étaient rattachés.
- Peut-être pas le budget ?
- Sans doute pas le budget. Et ils étaient venus nous parler du rôle des impôts.
- Pourquoi payer des impôts ? Pourquoi c'était important d’en payer ? À quoi servent nos impôts, déjà.
- Voilà et ce qu'on en faisait après dans le budget ?
- Alors c'est peut-être pas une vocation, mais c'est le début d'une curiosité, d'un intérêt pour les finances publiques qui vous amène à cette mission d'aujourd'hui. Ce métier qui est en fait une fierté quand même pour vous ?
- On peut le dire. Oui, c'est une grande fierté.
- Très bien.
- C'est un métier passionnant où on s'ennuie absolument jamais. Parce que, comme vous l'avez dit, il se passe toujours quelque chose en matière de budget.
- Voilà, et on va voir ça en détail dans un petit moment.
- Merci.
- La direction du Budget, c’est combien de personne squi font quoi et quand ?
- Alors, la direction du Budget,c'est environ 350 personnes, en administration centrale à Bercy et une grosse centaine qui sont dans notre réseau de contrôle budgétaire.
- Donc, ce sont les contrôleurs budgétaires et comptables ministériels et leurs équipes qui sont, eux, directement implantés dans les ministères, donc au plus proche de ceux qui engagent les crédits et un réseau de contrôle au niveau régional qui nous permet aussi de contrôler la dépense déconcentrée des services de l'État.
Alors ensuite, à la DB, donc la construction du budget, c'est notre activité principale, la plus connue. Elle consiste à préparer la loi de finances en réfléchissant à des projets d'économies et cette année, par exemple, on est très ambitieux parce qu'on a besoin de trouver 40 milliards d'euros sur l'ensemble des administrations.
- Bon courage aux fonctionnaires de la direction du Budget.
- Nous sommes très créatifs. Je ne doute pas que nous allons pouvoir faire des propositions intéressantes de réforme des politiques publiques pour essayer d'avoir le maximum d'économies structurelles dans le prochain budget,donc dans la prochaine loi de finances, la loi de financement de la Sécurité sociale.
- Donc là, au moment où on se parle, c'est des rencontres, mais pas encore entre ministres. C'est ça ?Ça reste administratif ?
- Oui, absolument. D'abord, on a un travail inter-administratif où nous, nous rencontrons, en conférences budgétaires, les directeurs des affaires financières et les responsables de programmes. On parle à la fois de l'évolution spontanée de la dépense, des mesures nouvelles que veulent financer les ministères et des propositions d'économies qu'on met sur la table de part et d'autre et qu'on confronte. C'est pas juste dépenser moins, c'est vraiment dépenser mieux, notre objectif et donc ensuite, ce qu'on n'a pas réussi à trancher, les ministres en discutent. Ils se voient généralement au mois de juin.
- D'accord.
- Et si les ministres ne se mettent pas non plus d'accord sur les questions les plus politiques, l'arbitrage est remonté au niveau du Premier ministre qui va décider des grandes réformes à insérer dans la prochaine loi de finances.
- Bon, normalement la discussion s'engage.
- Après, on est dans une configuration politique qui fait que le vote de la loi de finances n'est plus si facile.
- Et vous avez un exemple récent.
- Et on a un exemple récent. Alors, dans les dernières années, on a dû recourir à ce qu'on appelle la procédure 49, alinéa trois, de la Constitution. On a eu un nouveau gouvernement en décembre et du coup, nous n'avons pas réussi pour la première fois depuis très longtemps, depuis 1979, à avoir une loi de finances votée le 1ᵉʳ janvier. Donc on a fait une sorte de photocopie conforme du budget de l'année d'avant. On l’a réimplantée et on a demandé aux ministères d'être extrêmement parcimonieux. On a eu beaucoup de chance parce qu'avec les compromis politiques, le budget a été adopté dès la mi-février et donc on a pu arrêter les services votés et passer un budget plus classique.
- Et du coup, pendant ces services votés, il y a des économies,elles se font toutes seules puisque les gen sne peuvent pas dépenser plus ?
- Alors on leur demande de ne pas créer d'emplois nouveaux, de ne pas faire d'investissements nouveaux. Et donc oui,la dépense ralentit un peu.
- Et donc une fois qu'il est voté, il s'exécute ?
- Il se déroule,il doit être mis en œuvre et là,la direction du Budget a un rôle très important parce que nous vérifions que les ministères ne dépensent pas plus que ce qui est prévu et autorisé par le Parlement. Et donc, c'est là que nos contrôleurs budgétaires ont un rôle très important parce qu’ils vérifient la soutenabilité des engagements que prennent les ministères et ils s'assurent que tout est conforme au budget tel qu'il a été programmé. Et ce rôle d'exécution, il est important aussi parce que parfois, il peut arriver qu'en cours d'année, il y ait des événements, un cyclone comme l'année dernière à Mayotte, des choses imprévues au plan économique ou même au plan politique, les législatives qui n'étaient pas prévus l'année dernière. Et ces éléments-là, il faut les financer. Et donc nous essayons de faire des redéploiements de crédits, c'est-à-dire de prendre là où il y a un peu de marge de manœuvre pour le redistribuer, là où il y a des besoins nouveaux, des urgences à financer. Et parfois nous essayons même de ralentir la dépense. Ça a été le cas l'année dernière puisque nous avons annulé par voie réglementaire des crédit sen cours de gestion pour compenser les pertes de recettes que nous avons constatées en cours d'année. Donc la gestion, ce n'est pas toujours un long fleuve tranquille, ça peut même être assez mouvementé, voire chaotique.
Alors, préparation, exécution, enfin, si j'ai bien suivi ? Vos agents, ils sont sur au moins deux budgets à la fois ?
- Et bien même plus que ça : en fait, puisque nous travaillons sur l'année qui est complètement exécutée, par exemple 2024 en ce moment pour présenter les résultats au Parlement, nous travaillons sur l'année en cours 2025 et nous préparons aussi un budget pour les trois années suivantes. On ne peut pas se contenter d'avoir une visibilité à un an. Il faut pouvoir se projeter dans la durée sur ces crédits et ces emplois.
- Alors, il y a un dernier point, si vous le voulez bien, pour sortir de l'exécution, etc. C'est que vous êtes aussi, je crois,la tutelle des opérateurs de l'État ? Et on parle beaucoup des opérateurs de l’État en ce moment.
- Oui en effet, ils sont beaucoup dans l'actualité politique. Nous sommes présents au conseil d'administration d'une centaine d'organismes où nous vérifions, évidemment, la bonne préparation, l'exécution du budget mais notre rôle est aussi plus large.
On vérifie par exemple que les risques sont correctement maîtrisés, que les politiques publiques qui sont confiées par l'État sont correctement mises en œuvre donc c’est quelque chose d'assez passionnant que nos agents aiment beaucoup faire.
- Un métier de plus.
- Exactement.
- Vraiment du pain sur la planche. On a vu des dossiers passionnants et très variés.
- J'imagine que ça attire beaucoup de jeunes à la direction du Budget parce qu'il faut de l'énergie, de la combativité, de l'agilité.
- Absolument. On a beaucoup de personnes en début de carrière, 31:0985 % sont des cadres A ou A+ et nous avons des profils très variés, ce qui fait aussi la richesse de la direction, donc à la fois des administrateurs de l'État mais aussi... Énarques,comme on disait avant.
- Énarque,comme on disait voilà, des ingénieurs et des statisticiens et puis nous avons aussi beaucoup de contractuels, essentiellement formés en école de commerce.
- Parce qu'ils savent négocier.
- Ils savent négocier et puis, sur le fond, notre métier est assez passionnant. Il y a vraiment une sorte de bouillonnement intellectuel permanent dans la direction. On nous demande d'être créatif, de proposer des réformes. Donc voilà, il y a, il y a une forme d'imagination, de connaissance de l'État de connaissance des politiques publiques qui fait que le métier est extrêmement formateur.
- Et puis l'actualité vous aide.
- L'actualité nous aide.
- On a envie d’être dans le sujet. Le sujet dont on parle.
- Disons qu'on a du pain sur la planche pour redresser les comptes publics et je n'ai aucun doute que l’on aura besoin de nous dans les prochaines années.
- Une belle et noble mission et nécessaire donc on peut dire bravo à vous et à vos agents. On peut le dire, je crois que vous en êtes contents.
- J'en suis très fière, oui.
- Et puis pour les autres : « Destination DB ».