Sommaire N° 08 du 25 juillet 2000

Rapport du Conseil national de la consommation relatif à l’information des consommateurs sur les méthodes de conservation des denrées alimentaires périssables : les viandes

NOR :  ECOC0000233X

    Dans le cadre de son mandat, le groupe de travail permanent agroalimentaire et nutrition du Conseil national de la consommation s’est réuni à plusieurs reprises avec les spécialistes de la filière pour examiner le thème confié.
    Dans un premier temps, le groupe a limité son étude aux modes de conditionnement des viandes, et particulièrement des bovins et ovins pour faire suite à l’avis du Conseil national de la consommation du 4 décembre 1997.
    Dans une première partie, le rapport décrit les différents modes de conservation et de conditionnement.
    Dans une seconde partie, sont évoquées les conséquences éventuelles pour les consommateurs.
    Les rapporteurs :
       Emmanuel de Carné pour le collège des « consommateurs et usagers » ;
       François Malaterre pour le collège des « professionnels »,
    ont souhaité présenter une troisième partie sous forme d’avis commun.
    Dans un second temps, les rapporteurs proposent que le groupe de travail s’intéresse aux méthodes de conservation des autres denrées alimentaires périssables, en particulier les produits de 4e et 5e gammes.

1.  Les méthodes de conservation des denrées alimentaires
périssables : le conditionnement des viandes

A.  -  Généralités sur l’évolution du conditionnement des viandes

    Nous n’aborderons pas ici le cas des viandes congelées qui se conservent plusieurs mois par inhibition du développement microbien.
    L’atmosphère que l’on respire comporte 80 % d’azote et 20 % d’oxygène. La viande peut être conservée à une température fraîche ou froide dans cette atmosphère non modifiée, sans protection particulière : c’est le cas de la viande sur os conservée dans la chambre froide du boucher ou de la tranche présentée sous film étirable, très représentée au niveau du détail.
    Mais l’oxygène de l’air ambiant oxyde les graisses, ce qui conduit au phénomène de rancissement. La dégradation microbiologique est relativement rapide : le développement de microbes aérobies entraîne la putréfaction de la viande.
    Une viande provenant d’un bovin abattu dans de bonnes conditions hygiéniques et maintenue à température froide ou fraîche peut se conserver en carcasse, jusqu’à environ trois semaines au maximum après l’abattage. Lorsque la viande est vendue au détail dans du papier d’emballage ou sous film, elle se conserve trois à cinq jours, parfois plus dans de très bonnes conditions de froid et d’hygiène.

B.  -  Les différents modes de conditionnement

    Le plus ancien (25 ans) est celui sous atmosphère modifiée avec oxygène (O2). La viande est conservée dans une ambiance composée pour l’essentiel d’oxygène (60/80 %) auquel il a été ajouté du gaz carbonique (CO2) qui ralentit la multiplication des microbes. La durabilité de la viande ainsi conservée est très faiblement augmentée. Par contre, cette méthode permet de conserver plus longtemps une couleur rouge caractéristique de la viande.
    Le sous vide est un mode de conservation où l’air ambiant a été éliminé, c’est-à-dire qu’aucun gaz n’est présent dans l’emballage. La durée de conservation des viandes ainsi présentées peut atteindre, selon les pratiques constatées pour une température comprise entre 0o C et + 2o C, quatre à six semaines au stade de gros et deux à trois semaines au détail.
    En France, il est à noter qu’au stade du détail, une faible proportion de la viande de bœuf est conditionnée sous vide (0,3 %) ou sous atmosphère modifiée (0,7 %). Par contre au stade du gros, le conditionnement sous-vide est très répandu.
    Un mode de conditionnement sous atmosphère sans oxygène est apparu récemment. Il consiste à placer les viandes sous gaz carbonique ou sous azote, purs ou en mélange. Cette méthode de conservation est sans conteste la plus efficace pour allonger la durée de vie des produits réfrigérées. Elle permet d’avoir une durabilité jusqu’à quatre à six mois pour le bœuf et de trois mois pour l’agneau, mais la température de réfrigération doit être abaissée à - 1,5o C. Cette technique de conservation a été développée par la Nouvelle-Zélande et l’Australie pour abaisser la contrainte temps liée au transport et augmenter leurs exportations de viandes, notamment vers l’Europe. En effet, pour commercialiser des viandes dans des pays lointains, il fallait soit les congeler, soit les transporter par voie aérienne, ce qui en augmentait le prix. Avec la conservation sous atmosphère sans O2, il est possible de transporter les viandes réfrigérées par voie maritime et donc d’avoir des prix compétitifs et de les présenter aux rayons « boucherie » (traditionnelle et libre service).
    Cette pratique concerne pour l’essentiel le stade de gros et, à ce jour, il n’y a que très peu de produits carnés vendus au détail qui soient sous ce mode de conditionnement.
    Nous n’avons pas évoqué, dans cette partie, les traitements éventuels comme l’ionisation, car ceci ne concerne pas le conditionnement. Par ailleurs, ils font l’objet d’une réglementation sur autorisation préalable très stricte et sont autorisés uniquement pour les viandes de volailles séparées mécaniquement et abats de volailles (arrêtés des 27 août 1990, du 6 février 1995 et du 30 mai 1997).
C.  -  Données techniques et microbiologiques sur le conditionnement des viandes, sous vide et sous atmosphère modifiée
    Le premier facteur limitant les résultats obtenus sur les viandes conditionnées sous vide ou sous atmosphère modifiée est la qualité du conditionnement.
    Ainsi, les qualités commerciales et microbiologiques des viandes sont bien supérieures lorsque le taux d’oxygène résiduel, dès le conditionnement, est proche de zéro et que l’emballage est parfaiement hermétique.
    En ce qui concerne l’aspect des viandes (couleur, odeur), notamment pour les morceaux avec os, le conditionnement sous atmosphère modifiée donne de meilleurs résultats que le sous vide. Ceci s’explique notamment par les difficultés rencontrées pour réaliser un bon sous vide sur des morceaux avec os.
Sur la plan bactériologique, ce sont les morceaux sans os qui donnent les meilleurs résultats. Les flores d’altération (entérobactéries, pseudomonas, brochotrix thermosphacta et les coliformes fécaux, listéria monocytogènes...) se développent peu et sont inhibées par le développement des lactobacilles lorsque les viandes sont conditionnées sous atmosphère modifiée sans oxygène. Ce ralentissement du développement bactérien provient non seulement de l’absence d’oxygène, mais aussi de l’effet bactériostatique du CO2. Enfin, si les résultats microbiologiques des viandes conservées à - 1,5 oC sous atmosphère modifiée sont meilleurs que ceux des viandes conservées sous vide, cette différence est très atténuée à + 3 oC.
    Les pertes de masse sont souvent supérieures lorsque les viandes sont conditionées sous atmosphère modifiée, elles sont plus importantes lorsque la viande est désossée. Il s’avère, par ailleurs, que ces pertes peuvent être corrélées avec l’augmentation de la durée de conservation des viandes.
    Au plan organoleptique, les études menées ne révèlent pas de différence significative entre les deux modes de conditionnement.
    Si globalement le conditionnement sous atmosphère modifiée est plus performant que sous vide, cet avantage doit être relativisé, car l’écart est surtout important pour les morceaux avec os, pour des durées de conservation longues et une température de stockage négative.

D.  -  Synthèse des auditions du groupe de travail

    Le groupe de travail a auditionné des industriels français et néo-zélandais et des scientifiques de l’Institut de l’élevage (recherche appliquée) et de l’université de Montpellier (microbiologiste).
    Pour les industriels, la technique de la conservation de la viande sous atmosphère modifiée sans oxygène apporte une amélioration quant à la durée de vie du produit et à sa qualité hygiénique. Cependant, il s’agit d’une technique qui s’avère chère et complexe. Les Néo-Zélandais maîtrisent la totalité de la chaîne de production afin d’obtenir de meilleurs résultats (100 jours de DLC après abattage pour des agneaux). Le délai entre chaque étape est raccourci au maximum, la température à laquelle la viande est travaillée est de 3 oC et la température de conservation est de - 1,5 oC, et ceci du stockage en Nouvelle-Zélande en passant par le transport et le stockage en Europe. Cependant, la durée de vie est calculée en fonction de la température de stockage dans les magasins et doit être raccourcie de 10 % à chaque fois que la température s’élève de 1 oC (la température des meubles de vente est réglée en France entre 0 oC et + 2 oC). En conclusion, les industriels considèrent que cette technique permet pour le consommateur de bénéficier d’une durée de vie plus longue du produit en apportant une meilleure sécurité hygiénique et pour eux d’améliorer la gestion de la production et ainsi de mieux maîtriser les schémas logistiques.
    Pour les scientifiques, la conservation sous atmosphère modifiée peut être considérée comme la catégorie générale des modes de conservation de la viande réfrigérée (hors congelé et surgelé), dans laquelle on trouve, le mode le plus répandu : le sous vide (atmosphère modifiée radicalement, 50 % de la viande de bœuf seraient passés par ce mode de conservation), l’atmosphère modifiée avec O2 et l’atmosphère modifiée sans O2. La conservation sous CO2 est une technique qui fait intervenir à la fois la température, puissant facteur de ralentissement du développement microbien, le milieu gazeux dans lequel l’oxygène est absent, qui permet de bloquer le développement des micro-organismes aérobies, l’acidification légère de la surface de la viande due à la présence en grande quantité de CO2, ce qui réduit également le développement des pathogènes, notamment par la compétition des autres micro-organismes. Cependant, la qualité d’un produit dépend également de la qualité initiale du produit lui-même, des prestations de service (hygiène, froid, qualité d’emballage) et du temps utilisé pour le produire. Les différents modes de conservation qui permettent d’allonger la durée de vie du produit nécessitent également, pour être convenablement mis en œuvre, une bonne traçabilité permettant aux différents industriels de connaître à chaque étape l’historique du produit.

2.  Les conséquences pour les consommateurs

    Les trois modes de conditionnement :
       atmosphère modifiée avec oxygène ;
       atmosphère sans oxygène ;
       sous-vide,
    ne modifient pas significativement la qualité microbiologique ou organoleptique et gustative des viandes, comme cela a été indiqué au groupe de travail à la suite d’études menées par l’institut de l’élevage, le laboratoire de Massy. Sous réserve que les diverses techniques soient bien maîtrisées, les divers modes de conditionnement sont globalement comparables et équivalents. Les conditionnements sous vide semblent toutefois moins adaptés aux produits avec os en raison des risques de déchirures des sacs.
    Il en résulte que les produits déconditionnés peuvent être utilisés normalement par les consommateurs et éventuellement être congelés ou surgelés dans un cadre familial. Il faut noter que les réserves des spécialistes concernant la congélation ou la surgélation ne visent pas particulièrement ces produits, mais sont d’ordre général. Il n’apparaît pas, en effet, souhaitable d’encourager la congélation et la surgélation par les ménages de manière artisanale.
    Il n’y a pas pour le consommateur, sur le plan de l’hygiène ou de la qualité nutritionnelles ou organoleptiques, de problèmes qui découlent des méthodes de conditionnement sous réserve que celles-ci aient été, bien sûr, réalisées dans des conditions normales mais les techniques industrielles qui résultent de ces modes de conservation doivent être rigoureuses.
    En fait, le potentiel d’utilisation de ces viandes déconditionnées est identique à celui des viandes qui ne le sont pas sous réserve que les températures de conservation indiquées sur l’étiquetage soient respectées.
    Pour les consommateurs un peu particuliers que sont les structures de restauration collective, il convient de rappeler que la conservation des viandes en carcasse ou en demi-gros sous atmosphère modifiée sans oxygène nécessite une température de - 1,5o, contre 0 à + 2o pour les autres modes de conservation.
    Actuellement, l’offre au consommateur est présentée sous atmosphère modifiée ou sous vide (2 % du marché environ).
    Dans ce cas, le décret du 29 septembre 1998 prévoit une mention d’information pour le consommateur sous la forme « conditionné sous atmosphère protectrice ».
    L’étiquetage du produit comporte également la date limite de consommation permettant d’en garantir les qualités et l’évolution microbiologique jusqu’à leur utilisation par les consommateurs.
    Sur un plan économique, ces techniques permettent de proposer aux consommateurs des viandes de provenances éloignés à prix compétitifs. Dans ce cas, l’indication de l’origine, lorsqu’elle sera obligatoire pour tous, permettra au consommateur d’être informé.


© Ministère de l'économie, des Finances et de l'Industrie- 25 août 2000