Annuaires professionnels : attention aux arnaques

 

La pratique des annuaires professionnels destinés à faire connaître les entreprises s’est fortement développée depuis quelques années.

Si ce type d’annonces publicitaires est de nature à accroître la notoriété des entreprises qui souhaitent y souscrire, de nombreuses pratiques frauduleuses se sont développées autour de ce marché en France comme dans le reste de l’UE.

 

Les enquêtes menées par la DGCCRF ont conduit à sanctionner, par des procédures contentieuses pénales ou civiles, les entreprises françaises coupables de ces délits. Face à ces fraudes,  les professionnels, français ou européens, doivent faire preuve d’une extrême vigilance. C’est dans cet objectif que les échanges entre autorités européennes de contrôles se déploient et se coordonnent.

Depuis l’ouverture du marché des renseignements téléphoniques à la concurrence, en 2006, des sociétés démarchent des professionnels en vue de leur proposer l’insertion de leurs coordonnées dans des annuaires sur internet ou, plus rarement, sur des supports papier, en usant de divers subterfuges pour obtenir leur engagement à verser une somme dont le montant peut s’élever à plusieurs milliers d’euros.

La prestation rendue, quand elle l’est, est décevante : les encarts, le classement des annonces, la zone de diffusion, le nombre d’exemplaires papiers diffusés ou la notoriété du site internet ne permettent pas à l’annonce d’avoir les effets escomptés. La visibilité est nulle ou peu s’en faut.

Tous les secteurs d’activité victimes de la fraude aux annuaires

Les cibles privilégiées de ces sociétés sont essentiellement les professionnels nouvellement enregistrés au Registre du commerce et des sociétés ou au Registre des métiers. Soucieux de se faire connaître et peu au fait des formalités administratives d’enregistrement de leur société, ils sont en effet les plus faciles à convaincre.

Les acteurs du secteur public, les collectivités territoriales, les établissements publics, voire les grandes enseignes, sont également victimes de ces pratiques. Les artisans, les petites entreprises et les collectivités de taille modeste, qui ne disposent pas des moyens humains et juridiques des grandes sociétés pour se prémunir contre ces pratiques, n’échappent pas à cette fraude aux annuaires professionnels. 

Pour lutter contre ces pratiques, la DGCCRF diffuse régulièrement sur son site internet des avertissements aux entreprises susceptibles d’être victimes de cette fraude.

Trois techniques d’approche observées

  • Dans un premier cas, la prestation n’est pas conforme aux attentes et n’occasionne aucune retombée financière ou publicitaire tangible mais le consentement du professionnel a été recueilli de manière régulière, avec des clauses de contrat claires et lisibles. Le caractère « frauduleux » de l’opération est difficile à démontrer. Pour gagner un recours, il faut prouver que les résultats de la prestation contreviennent aux engagements de l’éditeur.

Recommandation

Le professionnel doit évaluer l’impact de la diffusion de l’annuaire. Les coûts engagés seront-ils réellement compensés par une visibilité et une notoriété accrues ?

  • La deuxième technique consiste à envoyer un bon de commande après démarchage téléphonique organisé de manière à pousser le professionnel à donner son accord le plus rapidement possible. Une offre d’insertion publicitaire est proposée par téléphone, souvent présentée comme une promotion exceptionnelle, à saisir dans les plus brefs délais. Un paiement échelonné en deux ou trois fois, est parfois proposé pour finir de convaincre le professionnel démarché. Le professionnel retourne par fax un bon de commande signé, avec un engagement de 3 ans et des sommes à régler largement supérieures à celles annoncées (qui ne correspondent parfois qu’à un mois ou un trimestre de prestation). Les clauses importantes sont absentes ou figurent en petits caractères sur le bon de commande.

Recommandation

Une offre qui se prétend « exceptionnelle » doit requérir la plus vive attention.

Ne pas négliger les « petits caractères » ou renvois de bas de page qui recèlent parfois des dispositions essentielles.

Il vaut parfois mieux laisser passer une offre en apparence alléchante plutôt que de souscrire un engagement financier potentiellement très lourd.

  • La troisième tactique est d’adresser des envois par publipostage massif d’un document ressemblant à une facture ou à un document officiel (RSI, RCS, INPI, Info-Siret, etc.). Le professionnel, qui n’a pas toujours le temps ni les moyens d’analyser les documents qu’il reçoit, signe en confiance et s’engage, pour un montant élevé, sur une commande ferme d’insertion dans un annuaire, qui peut d’ailleurs être fictif ou d’une diffusion extrêmement restreinte.

Recommandation

Même si cela lui semble fastidieux, le professionnel doit lire avec beaucoup d’attention, et en détail, tout document qui réclame sa signature même et, a fortiori, s’il a l’apparence d’un document officiel.

Quelle que soit la méthode employée, une fois la signature du professionnel obtenue, les responsables des sociétés harcèlent leurs victimes pour obtenir le paiement des sommes dues. En contrepartie de l’absence de poursuites et de la résiliation du contrat, il est souvent proposé au souscripteur de verser une indemnité, qui correspond en général à la première année de cotisation. Il arrive que la société revende sa créance à un acteur institutionnel (établissement bancaire, par exemple) pour accentuer la pression sur le professionnel.

Des pratiques commerciales lourdement sanctionnées en France grâce à l’action de la DGCCRF

Le professionnel lésé peut s’adresser à la direction départementale de la protection des populations (DDPP) ou de la des directions départementales de l'emploi, du travail, des solidarités et de la protection des populations (DDETSPP) de son département de résidence.

Si les faits sont établis, lorsque la société a son siège en France, l’administration peut transmettre au procureur de la République un procès-verbal pour « pratique commerciale trompeuse ». Le responsable de ces pratiques encourt alors jusqu’à deux ans d’emprisonnement et une amende de 300 000 €.

Si la qualification de « pratique commerciale trompeuse » est l’outil privilégié de lutte contre la fraude aux annuaires professionnels, d’autres instruments juridiques peuvent être déclenchés, selon les cas : tromperie sur la nature du service ou sur les qualités substantielles ; contrefaçon de marque en cas d’utilisation de logos proches ou similaires de marques existantes ; manquements aux règles de facturation, etc. Pour les sociétés françaises, l’enquête conduit quasi systématiquement à la rédaction de procédures contentieuses pénales ou civiles.

Les procédures pénales permettent aux victimes de se porter partie civile au procès et d’espérer récupérer les sommes investies.

Outre des peines d’amende, des peines de prison fermes et des interdictions de gérer sont parfois prononcées à l’encontre des responsables.

Pour  les sociétés envoyant des offres ressemblant à des documents administratifs, outre les suites pénales  évoquées, les directeurs des services d’enquête de la DGCCRF ont la  faculté d’assigner les sociétés en référé devant le juge civil en vue d’obtenir la cessation de la pratique, sous astreinte financière en cas de non-respect[1].

Des actions réduites contre les sociétés situées à l’étranger

Les échanges entre autorités européennes de contrôle mises en place en 2004[2] peuvent théoriquement permettre de poursuivre les enquêtes de la DGCCRF dans d’autres Etats membres de l’UE mais les résultats opérationnels restent insuffisants concernant les sociétés d’annuaire professionnel.

D’une part, les pratiques commerciales trompeuses entre professionnels ne sont pas reconnues par certains pays européens. D’autre part, les propositions d’insertion s’adressant à des sociétés, associations ou collectivités, elles ne portent pas atteinte à l’intérêt collectif des consommateurs et de ce fait n’entrent pas dans le cadre fixé par le règlement communautaire.

Par ailleurs, les règles de droit dans certains pays, au Mexique notamment, ne permettent pas de faire condamner ces pratiques dans leur pays d’origine.

Dès lors, si l’entreprise est domiciliée à l’étranger, il est conseillé aux victimes de ces offres trompeuses d’insertion dans les annuaires professionnels de déposer directement  plainte pour escroquerie auprès des services de police de leur lieu de résidence ou auprès du procureur de la République.

L’administration encourage donc les professionnels et les collectivités à la prudence et les invite à examiner attentivement tout document avant de le signer. Une attitude préventive est toujours préférable à une intervention a posteriori.

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[1] Cette suite civile, de nombreuses fois mises en œuvre à Paris, a jusqu’ici toujours conduit le juge à ordonner la cessation de tels envois.

[2] Règlement (CE) n° 2006/2004 du 27 octobre 2004 relatif à la coopération entre les autorités nationales chargées de veiller à l’application de la législation en matière de protection des consommateurs

Conseils préventifs

Quand les professionnels sont sollicités par des sociétés qu’ils ne connaissent pas, il convient de :

  • s’assurer de l’identité de l’émetteur du document et de redoubler particulièrement de vigilance s’il est domicilié à l’étranger ;
  • comparer l’origine de l’offre à l’apparence « officielle » avec le logo des véritables organismes officiels ;
  • se méfier des demandes de vérification d’adresse ou de coordonnées ;
  • lire attentivement les dispositions figurant en petits caractères qui parfois présent le prix annuel à acquitter ;
  • ne jamais signer dans la précipitation ;
  • ne pas oublier d’attirer l’attention des collaborateurs ou employés qui sont appelés à traiter ce type de courrier.