Avis n° 09-14 Relatif à la publicité comparative

La Commission d’examen des pratiques commerciales,

Vu la lettre enregistrée le 18 septembre 2008 sous le numéro 08-018, par laquelle un syndicat professionnel  de fabricants d’articles de sports a sollicité un avis de la Commission d’examen des pratiques commerciales sur la légalité de pratiques mises en œuvre par leurs cocontractants, distributeurs spécialisés qui, pour certains d’entre eux, développent également des produits concurrents sous leur propre marque;
Vu les articles L 440-1 et D 440-1 à 440-13 du code de commerce ;
Le rapporteur entendu lors de sa séance plénière du 28 octobre 2009 ; 

Adopte l’avis suivant :

La Commission d’examen des pratiques commerciales a été saisie par un syndicat professionnel  de fabricants d’articles de sports afin de recueillir son avis sur des pratiques mises en œuvre par leurs cocontractants, distributeurs spécialisés qui, pour certains d’entre eux, développent également des produits concurrents sous leur propre marque. Ces distributeurs diffusent, par différents moyens (affichage en magasin, catalogues ou sur leur site internet), des comparaisons réalisées entre différents produits qui sont destinées aux consommateurs et sont fréquemment accompagnées d’une notation dégressive exprimée fréquemment sous  forme d’étoiles.
Afin de voir préciser les conditions auxquelles les pratiques décrites satisfont les exigences prescrites par le dispositif légal applicable à la publicité comparative et, en particulier, «l’obligation d’objectivité et le caractère vérifiable des caractéristiques comparées », l’auteur de la saisine a formulé quatre questions :
« Est-il licite de publier des comparatifs de performances assortis de notations ou d’étoilages sans aucune explication relative au fonctionnement du barème de notation utilisé ?
            Dans la mesure où l’annonceur revendique l’utilisation de résultats d’essais pour établir la notation des performances des produits, peut-il légitimement refuser de communiquer les méthodes d’essai utilisées aux parties intéressées ?
Le secret des affaires peut-il être légitimement invoqué pour refuser de communiquer une méthode d’essai lorsque celle-ci constitue le fondement d’une publicité comparative ?
Un opérateur, qui est à la fois distributeur et fabricant et qui réalise des publicités comparant ses propres produits à ceux de ses fournisseurs, est-il susceptible de répondre à l’exigence d’objectivité lorsque les essais par lesquels il justifie ces comparatifs sont réalisés par son propre laboratoire, en particulier si ce laboratoire ne dispose d’aucune certification de son système qualité ? »

Préalablement à l’examen des questions relatives à la conformité de ces pratiques au droit applicable à la publicité comparative, il importe de vérifier que celles-ci constituent effectivement des pratiques de publicité comparative.

oOo

Le dispositif légal visant la publicité comparative et énoncé aux articles L. 121-8 et suivants du Code de la consommation s’applique à « toute publicité qui met en comparaison des biens ou services en identifiant, implicitement ou explicitement, un concurrent ou des biens ou services offerts par un concurrent » (art. L. 121-8 C. consom.).

En l’espèce, la condition relative à une comparaison avec des produits offerts par un concurrent identifié ou identifiable apparaît satisfaite dès lors que le distributeur, auteur de la comparaison, fait apparaître au moins l’un des produits vendus sous sa propre marque.  Par ailleurs, il s’agit, non d’une simple information, mais de publicité entendue comme « toute forme de communication faite dans le cadre d’une activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale dans le but de promouvoir la fourniture de biens ou de services, y compris les biens immeubles, les droits et les obligations » (Article 2 a) de la directive 2006/114/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 en matière de publicité trompeuse et de publicité comparative).

En conséquence, et même si les résultats mentionnés sont ceux d’essais comparatifs, les pratiques décrites constituent des publicités comparatives et sont régies par les articles L. 121-8 et suivants du Code de la consommation.

oOo

Parmi les différentes conditions de licéité de la publicité comparative énoncées aux articles L. 121-8 et L. 121-9 du Code de la consommation, il importe que la publicité « compare objectivement une ou plusieurs caractéristiques essentielles, pertinentes, vérifiables et représentatives » des biens considérés  (art. L. 121-8, 3° C. consom.).

L’article L. 121-12 prévoit également que l’annonceur « doit être en mesure de prouver dans un bref délai l’exactitude matérielle des énonciations, indications et présentations contenues dans la publicité ».
Il importe par ailleurs de rappeler que ces dispositions sont issues de la transposition d’une directive communautaire (Directive  97/55/CE du 10 octobre 1997 modifiant la directive 84/450/CEE sur la publicité trompeuse afin d’y inclure la publicité comparative ; Directive 2006/114/CE du 12 décembre 2006 en matière de publicité trompeuse et de publicité comparative) et que l’interprétation de ce texte par les juridictions communautaires s’impose, en vertu du principe de primauté, aux juridictions nationales appelées à mettre en œuvre les règles intégrées au droit national.

L’exigence d’une comparaison objective énoncée par l’article L. 121-8 3° du Code de la consommation exclut l’affirmation d’un simple jugement de valeur. Elle impose que la comparaison soit effectuée de façon neutre, sans parti-pris et fondée sur des éléments mesurables ou quantifiables (Rappr. Rapp. AN no 1992, p. 50).
Au regard de cette exigence, il  ne peut être reproché à un opérateur de déterminer unilatéralement ses méthodes et critères de comparaison ainsi que, le cas échéant, ses systèmes de notation. De même, le fait que l’entreprise soit simultanément en situation de concurrence et client ne l’empêche aucunement de réaliser des publicités comparatives entre ses propres produits et ceux de ses fournisseurs. Les essais réalisés par cette entreprise au soutien des comparatifs publiés  peuvent être effectués par son propre laboratoire, sans intervention d’un tiers.   Même si une  certification du système qualité des laboratoires d’essais apparaît souhaitable à titre de bonne pratique, le défaut d’une telle certification ne prive pas de l’objectivité requise par l’article L. 121-8 les essais réalisés par le laboratoire interne de l’entreprise. En l’absence de réglementation légale des essais comparatifs, de tels essais peuvent être utilisés pour la publicité comparative.
Toutefois, il est nécessaire que les tests et analyses de ces essais comparatifs soient effectués de telle façon que les résultats obtenus et publiés remplissent l’exigence d’objectivité et  soient vérifiables.

L’exigence de  caractéristiques vérifiables, également prescrite par l’article L. 121-8, 3o du Code de la consommation, a été  interprétée par la Cour de justice dans un arrêt du 19 septembre 2006. Selon cette décision,  « une caractéristique mentionnée dans une publicité comparative ne satisfait à l’exigence de vérifiabilité (…), lorsque les éléments de comparaison sur lesquels repose la mention de cette caractéristique ne sont pas énumérés dans cette publicité, que si l’annonceur indique, notamment à l’attention des destinataires de ce message, où et comment ceux-ci peuvent prendre aisément connaissance de ces éléments aux fins d’en vérifier ou, s’ils ne disposent pas de la compétence requise à cette fin, d’en faire vérifier l’exactitude ainsi que celle de la caractéristique en cause » (CJCE 19 septembre 2006, aff. C-356/04, Lidl Belgium GMbh Co Kg c/ Ets Franz Colruyt NV). S’il est admis que tous les éléments de comparaison ne figurent pas dans la publicité elle-même, encore faut-il pour que la pratique soit licite que ces éléments soient facilement accessibles aux personnes intéressées.

Dès lors, au vu de cette jurisprudence, il n’est possible de publier des comparatifs de performances assortis de notations ou d’étoilages sans explication relative au fonctionnement du barème de notation utilisé que si l’annonceur est en mesure d’indiquer à tout intéressé, dès la formulation de son message publicitaire, où et comment celui-ci pourra aisément prendre connaissance du barème de notation utilisé et de son fonctionnement afin d’en vérifier l’exactitude ou, s’il ne dispose pas de la compétence requise, d’en faire vérifier l’exactitude.

L’entreprise réalisant la publicité comparative doit, selon l’article L. 121-12 du Code de la consommation,  « être en mesure de prouver dans un bref délai l’exactitude matérielle des énonciations, indications et présentations contenues dans la publicité ».
S’il est vrai que le secret des affaires mérite d’être préservé, sa protection ne saurait permettre de tenir en échec la disposition légale précitée pour l’application de laquelle aucune exception n’a été prévue au titre du secret des affaires. Les méthodes d’essais ou les critères de notation utilisés pour les comparatifs à des fins publicitaires doivent être communiqués dans toute la mesure et dans la seule mesure où ces éléments sont nécessaires à une  vérification de la comparaison et de son objectivité par un tiers intéressé et notamment un concurrent.

En conclusion :

S’il est licite de publier des comparatifs de performances assortis de notations ou d’étoilages sans que la publicité elle-même contienne les explications relatives au fonctionnement du barème de notation utilisé, c’est à  la condition d’indiquer où et comment il est possible d’en prendre aisément connaissance.

            L’annonceur, qui revendique l’utilisation de résultats d’essais pour établir la notation des performances de produits, doit communiquer, sans opposer le secret des affaires, les méthodes d’essai utilisées, et ceci dans toute la mesure nécessaire à la vérification de la comparaison et de son objectivité par les parties intéressées.

            Un opérateur, qui est à la fois distributeur et fabricant et qui réalise des publicités comparant ses propres produits à ceux de ses fournisseurs, est susceptible de répondre à l’exigence d’objectivité même lorsque les essais par lesquels il justifie ces comparatifs sont réalisés par son propre laboratoire, et même si ce laboratoire ne dispose d’aucune certification de son système qualité. Mais cet opérateur doit se mettre en mesure, dès la diffusion du message publicitaire, de justifier à tout intéressé que les tests et analyses des essais comparatifs ont été effectués de façon telle que leurs résultats sont vérifiables et objectifs.

Délibéré et adopté par la Commission d’examen des pratiques commerciales en ses séances plénières du 28 octobre et du 9 décembre 2009, présidées par le vice-président M. Daniel TRICOT.

Fait à Paris, le 9 décembre 2009

Le Président de la Commission
d’examen des pratiques commerciales

Daniel TRICOT